Par Suzette Bloch.
« Au moment où les plans sociaux se multiplient et le chômage poursuit sa hausse, le Sénat a adopté mercredi une proposition de loi (PPL) communiste d’amnistie des délits et sanctions pour des faits commis lors de mouvements sociaux.
Le texte a été voté de justesse par 174 voix contre 171 (bien 171 après recomptage). Les groupes PS, CRC
(communiste), EELV et RDSE –à majorité radicaux de gauche– ont voté pour tandis que l’UMP et l’UDI-UC
(centriste) ont voté contre.
La PPL a toutefois été largement amendée par les socialistes qui en ont limité la portée. Sont amnistiées les
infractions, commises entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013, passibles de cinq ans d’emprisonnement au plus.
Le texte d’origine prévoyait l’amnistie pour les faits commis avant le 6 mai 2012 et concernait les infractions passibles de dix ans de prison.
Sont concernés les faits commis à l’occasion de conflits du travail, d’activités syndicales de salariés et d’agents publics, y compris lors de manifestations. Le texte prévoyait une application élargie aux professions libérales et exploitants agricoles.
Sont également amnistiées les infractions commises lors de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux relatifs aux problèmes liés au logement. La PPL d’origine parlait de problèmes liés non seulement au logement mais aussi à l’éducation, à la santé, à l’environnement et aux droits des migrants.
Le refus de se soumettre à des prélèvements ADN ne sera amnistié que si les faits à l’origine de ce prélèvement sont eux-même amnistiés. Un amendement PS a également exclu du bénéfice de la loi « les dégradations volontaires ayant pour conséquence de nuire au bon déroulement de travaux scientifiques ou de recherche ».
Selon la sénatrice EELV, Esther Benbassa, cette rédaction ne devrait pas concerner les faucheurs de champs OGM. Le texte prévoit aussi l’amnistie des mineurs condamnés lors des grèves de 1948 et de 1952. Il reste sept de ces mineurs survivants.
Le Front de gauche (PCF et Parti de gauche), appuyé par la CGT, s’est fortement mobilisé pour ce texte,
organisant notamment une manifestation devant le Sénat. Son responsable, Jean-Luc Mélenchon, a assisté au débat dans la tribune du public.
« Il s’agit, ici, de faire oeuvre de justice », a déclaré la ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui a soutenu la PPL tout en s’en remettant « à la sagesse du Sénat » pour son vote.
La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, avait assuré que le gouvernement tenterait de trouver un « équilibre » entre « droit syndical » et « respect de la légalité républicaine ».
« Il fallait à la fois tendre la main, car il n’est pas forcément facile aux organisateurs de mouvements sociaux de prévenir les débordements, tout en protégeant les biens et les intérêts des tiers » a expliqué Virginie Klès (PS).
« C’est un acte de justice, de réparation qui va être entendu par les salariés qui veulent faire valoir leur droit à
l’expression syndicale sans avoir la peur au ventre », s’est néanmoins félicité le sénateur et numéro un du PCF, Pierre Laurent.
La présidente du groupe CRC, Eliane Assassi a regretté une « limitation excessive » de la portée du texte mais en a appelé à la future circulaire d’application de Mme Taubira pour trouver l’équilibre.
UMP et centristes se sont vivement opposés à une « proposition inopportune, dangereuse » donnant un « signal de mauvais augure à tous les manifestants professionnels », selon François Zocchetto (UDI-UC). « Voulons-nous d’un pays où le militantisme syndical sème la pagaille, ou la terreur ? » s’est indigné Pierre Charon (UMP).
La PPL devrait être inscrite prochainement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale dans le cadre d’une niche(séance d’initiative parlementaire) réservée aux députés communistes. »
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