Communiqué de Presse
Paris, 16 janvier 2014
Esther Benbassa, sénatrice écologiste du Val-de-Marne, regrette le recul du gouvernement en matière de lutte contre les discriminations.
Lors d’une réunion interministérielle tenue le 10 janvier 2014, le gouvernement a fait savoir à Esther Benbassa, sénatrice du Val-de-Marne, qu’il ne soutiendrait pas, en l’état, la proposition de loi visant à « instaurer un recours collectif en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités » qu’elle avait déposée au Sénat au nom du groupe écologiste en juillet 2013 et qui était inscrite à l’ordre du jour de la Haute Assemblée du 13 février prochain, dans un espace réservé du Groupe écologiste.
Appelée également action de groupe ou « class action » en anglais, cette procédure existe dans de nombreux pays et notamment aux Etats-Unis depuis 1938. Elle a pour but de réparer une agrégation de préjudices individuels, permettant à un grand nombre de personnes ayant subi un même préjudice de poursuivre une autre personne, souvent une entreprise, afin d’obtenir un dédommagement moral ou financier.
L’ambition de cette proposition de loi était d’instaurer une procédure susceptible de permettre la mise en cause des entreprises et administrations qui pratiquent la discrimination de manière systémique. Et par là même de les inciter, de les persuader et, si nécessaire de les contraindre à instaurer davantage d’équité dans leurs structures lorsqu’elle fait défaut.
Les associations de lutte contre les discriminations et les inégalités se mobilisent depuis longtemps pour la mise en place d’une telle procédure en France. De nombreux membres de la société civile, avocats et juristes, ainsi que le Défenseur des droits, y souscrivent également.
Suite à l’inscription à l’ordre du jour du Sénat de la proposition de loi, le gouvernement a chargé Madame Laurence Pécaut-Rivolier, conseillère à la Cour de Cassation, d’examiner les moyens de mieux lutter contre les discriminations au travail, évoquant notamment un possible renforcement des pouvoirs des prud’hommes. Le rapport remis par cette dernière, s’il reconnaît l’importance des discriminations au travail, préconise que des actions collectives soient menées par les syndicats, actions qui n’auraient pas vocation à obtenir une indemnisation.
Le renoncement au principe même d’indemnisations forcément élevées dans le cadre d’actions de groupe est en lui-même regrettable, lorsqu’on sait qu’il constitue un élément dissuasif important susceptible d’inciter les organismes ou entreprises pratiquant la discrimination à se réformer en amont, ou, en aval, à négocier des réparations avant même la clôture de la procédure judiciaire. A la veille du lancement du « pacte de responsabilité » annoncé par le Président de la République, le gouvernement se devait, semble-t-il, de ménager d’abord le patronat – désormais à l’abri de toute poursuite collective –, mais aussi les syndicats – assurés de ne pas être concurrencés par les associations dans un domaine, celui des luttes contre les discriminations, où ils ne se sont pourtant pas spécialement illustrés jusqu’à maintenant.
On notera enfin que le gouvernement a également choisi d’exclure la fonction publique du champ du débat autorisé et de concentrer sa réflexion, en outre, au seul monde du travail. Lors de la réunion précitée, aucune réponse n’a été apportée aux autres problématiques soulevées par la sénatrice comme par exemple la discrimination liée au handicap ou aux autres pratiques discriminatoires (accès au logement, contrôles « au faciès », etc.).
Esther Benbassa déplore que les dizaines d’heures d’auditions menées au Sénat aient été considérées par le gouvernement comme nulles et non avenues. L’attentisme et la frilosité de l’exécutif, abandonnant les individus discriminés à leur solitude, auront pour effet de maintenir en l’état une situation dénoncée pourtant par le monde associatif et par de larges secteurs de la société civile : faute d’une procédure collective applicable à toutes les formes et tous les lieux de discriminations, celles-ci vont inévitablement perdurer et, pour la majorité d’entre elles, rester impunies.
Contact : 01.42.34.27.42 / e.benbassa@senat.fr