PJL n° 289 :
Projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
(Procédure accélérée)
– Discussion générale –
Mardi 21 janvier 2014
Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le rapporteur,
Mes ChèrEs collègues,
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vient allonger la liste des projets de loi d’habilitation à prendre des ordonnances soumis au Parlement par le gouvernement. Il s’agissait précédemment de permettre l’accélération des projets de construction dans le domaine du logement, de simplifier les relations entre l’administration et les citoyens ou encore de simplifier et sécuriser la vie des entreprises.
Il s’agit aujourd’hui de simplifier le droit et les procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.
Le présent projet de loi s’inscrit dans le programme de simplification, d’allègement des contraintes, de clarification de l’action administrative et de modernisation du droit et des procédures.
L’objectif poursuivi ici – que nous ne pouvons qu’approuver – est de moderniser certaines règles de droit pour en améliorer la lisibilité et l’intelligibilité, mais également de simplifier des procédures permettant d’obtenir une réponse adaptée aux besoins exprimés par les justiciables.
Mais avant d’évoquer le fond de ce projet de loi, qui comporte de nombreuses mesures de différents ordres, il me semble important de revenir sur la forme.
En effet, le choix par le gouvernement de recourir aux ordonnances prévues par l’article 38 de notre Constitution, n’est pas sans poser des questions au groupe écologiste.
Il est sans nul doute à la fois pertinent et urgent d’améliorer la lisibilité de notre législation et ainsi la sécurité juridique de nos concitoyens, mais en tant que parlementaires, nous ne pouvons que regretter à nouveau de ne pas pouvoir débattre plus sereinement de chaque mesure, et elles sont ici, je l’ai dit, fort nombreuses.
De surcroît, ce projet de loi, qui réécrit des pans entiers du code civil, est débattu dans un temps encore limité par le recours à la procédure accélérée.
Les écologistes, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, ont déjà contesté ce mode d’examen de projets de loi ambitieux et importants pour la vie de nos concitoyens. Nous le contestons encore aujourd’hui, et ce d’autant plus que le texte initial concernait, notamment, le droit des obligations, pilier du droit civil s’il en est.
Ces réserves sur la forme étant exprimées, j’en viens au fond du projet de loi d’habilitation que nous examinons aujourd’hui. Et je veux pour commencer saluer le travail du rapporteur, notre collègue M. Mohamed Soilihi, qui, en limitant les habilitations au strict nécessaire, a contribué à rendre ce texte nettement plus acceptable.
Si l’examen exhaustif de ce projet de lui paraît ici impossible, tant les sujets abordés sont nombreux et techniques, on peut y distinguer deux séries de mesures.
D’une part, les demandes d’habilitation ou les mesures d’application directe ponctuelles visant à la simplification ou la modernisation de règles ou de procédures de droit privé ou administratif. Mesures qui nous semblent nécessaires et opportunes.
D’autre part, certaines demandes d’habilitation qui se distinguent des autres par l’ampleur des modifications qu’elles sont susceptibles d’engager : il s’agit des réforme relatives au droit des obligations (article 3), au tribunal des conflits (article 7), à la communication électronique en matière pénale (article 8), et à la simplification des régimes d’autorisation administrative applicables aux entreprises (article 14). Des mesures plus problématiques aux yeux des écologistes.
En effet, le texte initial du projet de loi se distinguait des autres projets de loi d’habilitation en tant qu’il prévoyait, entre autre, la réforme des titres III et IV (hors responsabilité) du livre III du code civil, consacrés au droit des contrats et des obligations.
Comme l’a justement rappelé le rapporteur, par son ampleur (près de 300 articles), comme par ses répercussions éventuelles – le droit des contrats et des obligations est la source de nombreux autres droits, comme ceux des affaires et de la consommation – le présent projet de réforme était le plus ambitieux depuis la création du Code civil.
Nous considérons que cette ambitieuse réforme, si elle est sans nul doute nécessaire, mérite la réflexion et un travail parlementaire approfondi.
En effet, loin d’être seulement technique, la réforme du droit des obligations pose des questions politiques majeures, qu’il revient au seul Parlement de trancher.
Nous nous réjouissons donc que la commission se soit opposée à ce que cette réforme majeure du code Civil puisse être traitée par voie d’ordonnance.
Dans le même sens, nous ne pouvons qu’approuver la suppression de l’article 14 qui habilitait le Gouvernement à basculer certains régimes d’autorisation administrative applicables aux entreprises en régime déclaratif ou à supprimer les uns et les autres. L’objectif louable de poursuivre ainsi le mouvement de simplification initié par l’adoption du principe selon lequel le silence de l’administration vaut accord ne pouvait justifier une habilitation aussi imprécise et générale et qui n’apportait aucune garantie concernant la sécurité juridique des actes.
Je terminerai mon propos, mes cherEs collègues en rappelant qu’il nous est difficile d’accepter, au groupe écologiste que, sous couvert de simplification, des pans entiers du code civil soient réécrits par ordonnance, notamment sur des sujets aussi importants que le droit des contrats.
Le travail de la Commission des lois, à l’initiative du rapporteur, a fort heureusement abouti à un texte plus équilibré, auquel le groupe écologiste apportera son soutien.
Je vous remercie.