Intervention en séance lors du projet de loi de finances 2015 sur les crédits de la mission « justice » (1er décembre 2014)

 

PLF:

Crédits de la mission « Justice »

– Discussion générale –

Lundi 1er décembre 2014

Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV

 

Madame la Présidente,

Madame la Ministre,

Madame la Présidente de la Commission des finances,

Mesdames et Messieurs les rapporteurs,

Mes ChèrEs collègues,

 

« Après des années de coupes budgétaires et de stigmatisation, le ministère dont vous avez la charge, Madame la ministre, se doit de prévoir un budget conforme à ses objectifs de réforme et d’amélioration du fonctionnement de la justice.

Le budget de la mission « Justice » pour 2013 était en augmentation de 4,2 % avec 500 emplois créés ; la hausse en 2014 a été de 1,7 %, avec 555 emplois créés. La hausse sera équivalente en 2015, même si l’augmentation du budget se limite, pour l’essentiel, au budget de l’administration pénitentiaire.

Sur ce dernier point, je souhaite vous faire part d’un regret : l’absence de financement de postes d’aumônier musulman dans nos prisons.

En effet, j’ai eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle notamment lors des débats sur les différentes lois relatives à la lutte contre le terrorisme, il est urgent, si l’on ne veut pas que les lois que nous votons ici soient vaines, de s’attaquer à une des causes de la radicalisation de certains de nos jeunes, qui est l’endoctrinement dans l’ignorance en prison, avec conversion à un islam fondamentaliste.

Le rôle des aumôniers musulmans agréés par l’Etat et intervenant en prison, qui sont les plus aptes à constituer, s’ils sont formés comme il se doit, un rempart contre le fanatisme, est capital.

Le constat est alors sans équivoque, les aumôniers musulmans en prison sont trop peu nombreux.

En 2004, le nombre d’aumôniers musulmans était de 69, dont 30 indemnisés, sur un total de 918 aumôniers. Dix ans plus tard, en 2014, le nombre d’aumôniers musulmans a, certes, presque triplé, puisqu’il est passé à 178, sur un total de 1 470 aumôniers, mais il reste insuffisant proportionnellement au nombre de détenus musulmans (quelques 50% des incarcérés, selon un sondage récent). Par comparaison, pour la même année 2014, le nombre d’aumôniers catholiques était de 684, celui des aumôniers protestants de 346 et celui des aumôniers juifs de 71.

Nous ne pouvons donc que regretter que, contrairement aux deux années précédentes, aucun poste d’aumônier supplémentaire ne soit prévu et ce alors même que l’administration pénitentiaire connaît une hausse significative de son budget.

Si l’on parle de l’administration pénitentiaire, on ne peut pas faire l’économie du problème de la surpopulation carcérale et de l’encellulement individuel.

En 11 ans, le poids de l’administration pénitentiaire dans le budget du Ministère de la justice est passé de 29% à 43%. Cette hausse s’explique alors par l’augmentation continue du nombre de places (plus de 10 000 en 10 ans).

Malgré ces nouvelles places et la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, la surpopulation carcérale reste un véritable fléau dans notre pays.

Cette situation nourrit de nombreuses tensions et aggrave les conditions de détention, faut-il le rappeler, au 1er novembre 2014, 1 065 détenus dormaient sur un matelas posé à même le sol.

Aujourd’hui, et de manière relativement stable depuis 2012, le taux d’occupation des maisons d’arrêts est de 134 %, il est fait état de 1,31 détenus par cellule. Nous sommes donc très loin de l’objectif d’un détenu par cellule.

Faut-il rappeler que le principe de l’encellulement individuel a été affirmé pour la première fois en 1875 mais son application n’a depuis cessé d’être repoussée.

Si l’on ne peut assurer des conditions décentes de détention, il faut prendre nos responsabilités et imaginer des alternatives. C’est la raison pour laquelle le groupe écologiste a soutenu et porté avec vous, Madame la Ministre, la réforme pénale.

Pour conclure, je dirai que le groupe écologiste salue les progrès accomplis et les changements politiques apportés pour sortir du tout-carcéral et du tout-répressif que nous avons pendant longtemps dénoncés.

Malgré un budget très contraint, la justice reste une priorité du gouvernement, nous nous en félicitons et nous voterons par conséquent votre budget.

Je vous remercie. »