Intervention d’Esther Benbassa lors de la discussion générale sur la proposition de loi modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (15 mai 2014)

PPL n°498, 497:

Proposition de loi modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté  

Discussion générale

Jeudi 15 mai 2014

Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV

 

 

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Madame la rapporteure,

Mes ChèrEs collègues,

 

Moins de quatre mois après un premier vote unanime, nous examinons aujourd’hui, en seconde lecture, la proposition de loi modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

J’avais eu l’occasion de le dire lors de nos précédents débats, la nécessité d’avoir un contrôleur général n’est plus à démontrer. Le franchissement d’un nouveau seuil, au 1er avril 2014, avec 68 859 personnes écrouées détenues pour 57 680 places en établissements pénitentiaires vient renforcer cette certitude. L’existence d’une autorité indépendante chargée de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté et dotée des prérogatives nécessaires pour exercer pleinement sa mission est plus que jamais indispensable.

Le groupe écologiste a voté ce texte avec conviction en première lecture, nous ferons de même aujourd’hui.

Je veux saluer ici le travail des deux rapporteures du Sénat et de l’Assemblée Nationale qui ont largement contribué à enrichir le texte qui nous est soumis.

Ainsi, si le Sénat avait ouvert au Contrôleur général la possibilité de prendre connaissance des procès-verbaux de déroulement de garde à vue, la commission des lois de l’Assemblée est allée plus loin en élargissant ces dispositions à l’ensemble des procès-verbaux relatifs au déroulement d’une mesure privative de liberté. Cela permettra notamment d’inclure les procès-verbaux de retenue pour vérification du droit au séjour d’une personne de nationalité étrangère.

Nous nous réjouissons également, qu’à l’initiative des députés écologistes, la possibilité pour les députés européens élus en France de saisir le Contrôleur général ait été introduite dans la proposition de loi. Il s’agit sans aucun doute, à quelques jours des élections européennes, d’une avancée importante.

L’examen en première lecture de ce texte a également été l’occasion de rendre hommage à Jean-Marie Delarue qui incarne cette fonction de manière indépendante et sans concession depuis sa nomination et dont le mandat arrive à son terme le 13 juin prochain.

Le travail accompli depuis six ans par le Contrôleur général et ses équipes est immense et ce sont, en moyenne, 151 lieux de privation de liberté qui ont été visités chaque année.

Mais il me semble que, si l’hommage unanime est amplement mérité et que nous ne pouvons que nous réjouir de l’adoption prochaine de la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui, la défense des droits fondamentaux des personnes privées de liberté doit rester notre priorité.

Les derniers rapports du Contrôleur général sont édifiants et il relève de notre responsabilité de législateurs de nous en saisir pour faire avancer le droit et les droits dans notre pays.

Ainsi, le 23 avril dernier, le Contrôleur Général publiait-il, en urgence des recommandations sur le quartier des mineurs de la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone.

A la suite de signalements de violences entre mineurs, deux contrôleurs se sont rendus sur place en février dernier. Ils ont pu alors constater la gravité des violences qui se déroulent au quartier des mineurs.

Comme le souligne le rapport du Contrôleur général, « la persistance de pratiques violentes au sein du quartier des mineurs met très sérieusement en péril l’intégrité corporelle des mineurs incarcérés, en contradiction avec les principes de droit à la vie et de ne pas subir des comportements inhumains et dégradants, tels qu’ils figurent dans la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (articles 2 et 3) et dans la Convention internationale des droits de l’enfant (articles 6 et 37). »

Le même 23 avril, le Contrôleur général publiait un avis relatif à l’encellulement individuel dans les établissements pénitentiaires. Ici encore, le constat est grave.

L’encellulement individuel, réservé sauf dérogation, aux prévenus en détention provisoire et aux condamnés, la nuit seulement, n’est pas mis en œuvre  dans les maisons d’arrêt en raison de leur surpopulation.

Enumérant les « palliatifs » imaginés par le législateur pour repousser l’application de ce principe jusqu’à novembre 2014, le Contrôleur général propose de commencer par « rétablir l’encellulement individuel au bénéfice de certaines catégories de détenus ». Notamment les personnes handicapées, les plus de 65 ans, les détenus souffrant d’affections mentales ou les étrangers qui ne comprennent pas le français.

Dans le même sens, Jean-Marie Delarue encourage à « redonner un sens plus restreint à l’usage du quartier d’isolement » qui, dit-il, « ne doit être utilisé que pour des personnes » dangereuses, et non pour des détenus menacés.

Je m’arrêterai ici, nul ne pourrait prétendre à l’exhaustivité en matière de mesures à mettre en œuvre pour défendre les droits fondamentaux des personnes privées de liberté…

Je terminerai, mes chèrEs collègues, Madame la Ministre, en vous disant que le groupe écologiste votera ce texte avec enthousiasme et conviction mais que nous serons, notamment lors de l’examen du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, attentifs à ce que l’ensemble de ces recommandations ne tombe pas dans l’oubli.