La France se déchire pour le mariage gay et lesbien. Une partie de la population reporte sa rancœur et sa déception sur ce mariage et une autre résiste devant le changement en invoquant des principes désormais révolus.
La France a mal
En fait, la France a mal. Elle ne croit pas dans le nouveau gouvernement, met en question les institutions de la République et se fait manipuler son mal par diverses droites pressées de monter au créneau pour saper un peu plus l’autorité d’un exécutif en difficulté.
Comment se fait-il qu’un personnage au fond aussi insignifiant que Frigide Barjot puisse rassembler derrière elle des milliers de personnes qui ne s’identifient certainement qu’en partie aux « valeurs » qu’elle défend, mais qui la suivent pourtant ? La classe politique serait-elle à ce point en manque de vrais leaders, capables non seulement de canaliser le mal de la France, mais d’y répondre ?
L’opposition a eu beau jeu de s’engouffrer dans la brèche. Elle n’en sortira pas grandie, elle en sortira même sans doute affaiblie. Mais aussi, ce mariage pour tous, la gauche au pouvoir n’aurait-elle pas dû l’instaurer dès juillet dernier ? Avant que la situation ne dégénère comme c’est le cas aujourd’hui ?
Manque de prévoyance
Quel manque de prévoyance! Quel prix payé pour une indécision sans motif ! Pour les hésitations du président Hollande lui-même, comme s’il n’avait eu d’autre but que de repousser cette question du mariage le plus loin possible.
Peut-on vraiment imaginer que la France est à ce point plongée dans l’obscurantisme, à ce point fermée, pour refuser tout progrès sociétal? Le contexte de crise, la peur du chômage, la récession, l’absence de tout espoir raisonnable à l’horizon ne sont-ils pas les premiers facteurs d’une crispation sans commune mesure avec le simple enjeu d’un « mariage pour tous »?
Notre président n’a pas su mesurer les dangers que courait le pays. Il se montre bien en peine de calmer un feu qu’il a involontairement alimenté. Traînant l’affaire Cahuzac pendant des mois, il a attendu l’ultime moment pour faire démissionner son ministre. S’il avait coupé le mal à la racine, dès les premiers signaux lancés par Médiapart, il se serait sans doute épargné un nouveau plongeon et aurait évité à la droite une nouvelle victoire.
Le populisme en marche
Rendre la République plus transparente qu’elle ne peut l’être ? Les décisions soudainement prises dans l’urgence n’y changeront sans doute pas grand-chose. En appelant à un striptease indigne de l’exécutif et bientôt des parlementaires, François Hollande a davantage affaibli une classe politique donnée en pâture au plus malsain des populismes.
Celle-ci se doit de garder une certaine hauteur, une certaine dignité, aussi, pour mériter le respect. Contrôler ? Oui ! Sanctionner ? Oui ! Certainement pas se livrer comme un « voleur » prétendument pris sur le fait à la « justice » populaire. L’appétit de ceux qui veulent en savoir toujours davantage, en connaître encore plus, est insatiable.
Ce replâtrage de dernière minute, tenté sous l’effet de la pression du moment, n’augure rien de bon. Seulement un nouvel affaiblissement des institutions républicaines.
La France veut entendre une voix d’autorité
Argent, sexe, famille, haine, crise se sont ainsi mêlés pour créer une atmosphère nauséabonde qui a fait (ré)émerger des passions qu’on espérait d’un autre temps, homophobie, antiparlementarisme, mais aussi xénophobie, antisémitisme et racisme.
Le Président de la République peut-il abandonner une partie de la France aux mains des Frigide Barjot, Tugdual Derville, skinheads et autres personnages infréquentables sans hausser le ton? Qu’attend-il donc pour manifester son autorité, pour exprimer sa colère, comme l’a fait récemment Barack Obama lorsque le Sénat américain a repoussé son projet de réforme sur les armes à feu ?
La France a besoin d’entendre cette voix-là. Une voix d’autorité. Ainsi le veut – qu’on le déplore ou non – le régime présidentiel qui est le nôtre et qui fait du Président une sorte de père de la nation.
Jusqu’à quand François Hollande laissera-t-il ces grognards réacs prier dans les rues en bafouant les principes les plus élémentaires de la laïcité, s’attaquer au fondement même de notre démocratie en s’en prenant aux parlementaires qui ont porté la loi sur le mariage entre personnes de même sexe, se livrer à des actes homophobes parfaitement inadmissibles ?
Seule une voix forte pourra recréer la cohésion rompue. J’ignore si notre Président est en phase ou non avec le bouillonnement de notre société. Mais son devoir n’est-il pas de reprendre le pouvoir, si j’ose dire, de ne pas le laisser partir à vau-l’eau ?
C’est à lui, à lui d’abord, de faire recouvrer à nos institutions, à nos élu(e)s, à la République en un mot, la dignité, l’honneur et la hauteur qui garantissent et justifient leur action. Et sans passer lui-même, ainsi qu’il est apparemment souvent tenté de le faire, par-dessus la tête des parlementaires, donnant ainsi le mauvais exemple d’un contournement de la démocratie.
Il est peut-être tout simplement temps de taper du poing sur la table, de dire haut et fort : « Ça suffit! » Et de répondre aux attentes des Français par des projets audacieux et des solutions pragmatiques, présentés avec conviction et détermination. Non de les abreuver de promesses à l’eau tiède.
Réveillez-vous, M. le Président, la France a mal de vous, et du reste.
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