Vu du Sénat #15: Copé/Fillon: la guerre du pain au chocolat et de la baguette bien cuite

Pendant que notre pays sombre un peu plus, jour après jour, dans les affres du chômage, et que les Français sont préoccupés au plus haut point par leur avenir et par celui de leur famille, nous assistons, médusés, à une tragicomédie politique sans nom.

Guerre d’egos

Deux leaders de haut vol donnent en spectacle leur stupéfiante guerre d’egos. On sait depuis longtemps qu’un narcissisme pathologique touche plus d’un membre de notre personnel politique. Et que chez certains, il résiste à tous les vents, plus, en tout cas, que les convictions qui, elles, sont parfois d’une fermeté plus aléatoire.

Certes, il serait excessif de réduire notre vie politique à un jeu de pouvoir personnel. Ou de n’y voir que le gagne-pain de ceux qui en ont fait leur métier. Et si la professionnalisation croissante de la politique n’a pas peu fait pour renforcer ces travers, n’oublions pas qu’à côté de ces enfants gâtés, il y a toujours, et il y aura, je l’espère, encore longtemps, de vrais et de grands serviteurs de l’Etat, dignes de ce nom.

En cette période de fortes turbulences économiques et sociales, la France a besoin d’une opposition de droite libérale et républicaine, solide et unie, face au Front national. La gauche aussi en a besoin, pour rester en éveil et être stimulée. Hélas, cette droite-là part à vau-l’eau. Si elle avait tenu, malgré ses déchirements, sous Nicolas Sarkozy, la voici qui s’effondre une fois ce dernier parti.

Misères et grandeurs de la politique

Le match nul, nul dans tous les sens du terme, de nos deux protagonistes contribue un peu plus, s’il était nécessaire, à ruiner aux yeux de la population l’image de politiciens qui ont déjà largement perdu sa confiance. Les sondages sont là qui en témoignent. Or cette dégradation de l’image et cet effritement de la confiance la mènent tout droit au désespoir et à la violence.

Les Français en ont assez, plus qu’assez, de n’être courtisés qu’avant de jeter leur bulletin dans l’urne. Comment leur dire que la politique, malgré tout, n’est pas que cela, pas seulement ce spectacle parfois grotesque ? Face à la couardise ou à l’avidité des uns, il convient de mettre en valeur le courage et le sens du devoir des autres. Et de résister à la tentation de les mettre tous dans le même panier.

La société civile, fort heureusement, déploie des ressources insoupçonnées, palliant la stérilité de certains politiciens professionnels. Mais il y a des jours, c’est vrai, où l’on se demande s’il y a un remède pour moraliser quelque peu l’engagement et l’action politiques.

Il m’arrive, à moi également, de me demander ce que je fais au Sénat. Et si je pourrais vraiment y accomplir quelque chose un jour. Certes, j’y ai rencontré et j’y croise chaque jour quelques nobles esprits, collègues de qualité qui me donnent chaque matin envie de me lever du lit, en sachant que la journée sera longue, souvent frustrante, mais que parfois quelques éclaircies, malgré tout, pourront lui donner son sens. A droite comme à gauche, des hommes et des femmes de qualité existent, qui sans faillir continuent leur travail de fourmis. Et ce malgré la lourdeur des institutions et le manque d’imagination de nombre de leurs dirigeants.

M. Copé a beaucoup joué, ces derniers temps, avec la xénophobie et l’islamophobie de saison. Il les a instrumentalisées pour se rallier la frange nationaliste dure de l’UMP. Et dans l’espoir de récupérer, à terme, certaines de ces voix de droite qui vont désormais au Front National. Il a atteint son premier objectif. Mais il est clair que son comportement actuel lui fera inévitablement manquer le second. Ajoutez à cela la situation économique qui continue à se dégrader et la déception que la gauche a commencé de provoquer dans une partie de sa clientèle, pressée de voir aboutir les réformes. Joli cocktail, vraiment, qui ne peut qu’asseoir la position de l’extrême droite.

Machisme contre démocratie

Les communiqués de victoire de chaque camp, le décompte erroné des voix, les bulletins oubliés, les procurations douteuses, la menace d’un recours aux tribunaux, les huissiers, la médiation ratée, la création d’un second groupe UMP à l’Assemblée, l’appel à un nouveau vote, le vote sur le vote, les phrases assassines, les manœuvres en coulisse, mais où est-on, décidément ? En Côte d’Ivoire il y a deux ans ? Le syndrome Gbagbo vient donc de toucher la France ? Il va bientôt être difficile, pour notre pays, de donner des leçons de démocratie à ses anciennes colonies. C’est même à se demander si ce n’est pas la France qui a donné ces mauvaises habitudes à certains dirigeants africains.

Aussi bien Jean-François Copé que François Fillon aspirent à se présenter à la prochaine élection présidentielle. Soit. Mais pensent-ils encore avoir des chances ? Et ça veut dire quoi, aujourd’hui, exactement, être « coppéiste » ou être « filloniste » ? Juste une histoire d’hommes, je n’ose dire de « mecs ». Intransigeants, qui se battront jusqu’au bout, quoi qu’il en coûte à leur parti et à leur pays, juste pour qu’il ne soit pas dit qu’ils ont cédé.

Franchement, le cabinet de notre Ministre des Droits des femmes ferait une œuvre charitable en les soumettant tous les deux à un stage intitulé « Comment quitter ses habits de machos pour le bon fonctionnement de la démocratie ». L’association « Osez le féminisme » pourrait concevoir le module. Il servirait d’autres fois, je suppose…

Un peu de fun, malgré tout

Par moment, je l’admets, le spectacle ne manque pas de fun. La guerre entre Fillon, le notable de province, et Copé, le représentant de commerce, n’est pas sans évoquer, sur un mode mineur, celui de la farce, la querelle des Anciens et des Modernes. Mais nos politiciens n’étant pas tous fortiches en littérature, pas sûr qu’ils comprennent la comparaison. Alors faisons plus simple. La guerre de Copé et de Fillon, c’est la guerre du pain au chocolat et de la baguette bien cuite. Enthousiasmant !

Doit-on les enfermer au haut d’une tour isolée, chacun de son côté, pour lire et méditer ? Les inviter dans un ashram pour qu’ils y retrouvent leur être profond ? Leur imposer quelque programme de rééducation musclée, à coups d’exercices d’apprentissage démocratique ? Je n’en sais rien. Après tout, on ne va quand même pas faire des dépenses en cette période de restrictions budgétaires.

Rien ne peut sans doute les sauver, sinon, peut-être, une retraite anticipée. Au grand dam de leurs groupies respectives, Pécresse, Dati et autres, qui seront remisées à leur tour. Les plus intelligent(e)s, comme Chantal Jouanno, ont déjà quitté le navire, avant qu’il ne sombre. Là est peut-être l’avenir de la droite. Si elle en a un.