Dommage collatéral des résultats des élections législatives, la gauche ne dispose pas d’une majorité suffisante pour faire adopter un projet de loi accordant le droit de vote aux étrangers pour les municipales. Elle n’a en effet pas atteint le seuil des 3/5èmes des parlementaires (Assemblée nationale et Sénat compris), nécessaire pour faire modifier la Constitution. Deux solutions s’offrent donc à l’Elysée : organiser un référendum à haut risque, ou convaincre les centristes et les humanistes de l’UMP de voter la mesure. L’opération séduction est donc lancée.
La droite modérée jouera-t-elle le jeu ?
« Personne ne pouvait imaginer que nous pourrions avoir la majorité des trois cinquièmes. Donc la question n’est pas modifiée par ce qui vient de se passer dimanche« . Le constat est signé François Hollande, qui s’exprimait sur le sujet depuis le sommet du G20 au Mexique. Le Président sous-entend donc qu’il ne comptait pas sur le Parlement pour faire adopter la mesure.
Il n’empêche, la vice-présidente du Sénat Bariza Khiari a procédé au premier appel du pied vers les élus de droite. « On n’a pas les 3/5 mais il y a les centristes et les humanistes de l’UMP », a-t-elle observé avec « optimisme ». Elle demande « un mois » pour « mettre le sujet sur la table ». Selon elle, le PS « est décidé » à faire adopter cette réforme « sur laquelle il a fait campagne » car c’est « une mesure de justice ».
La partie est loin d’être gagnée, car un coup de pouce ou même une abstention bienveillante de la droite est peu probable, l’UMP ayant agité durant la période électorale la promesse de François Hollande comme un épouvantail, comme une « menace pour ma cohésion nationale ».
L’Assemblée comptant 577 membres et le Sénat 348, si tous les parlementaires votent, la majorité des trois cinquièmes du Parlement nécessaire pour une réforme constitutionnelle, est de 555 sièges, au dessus des quelque 520 dont dispose la gauche. Il faudrait qu’une partie de l’opposition s’abstienne, pour faire baisser le seuil nécessaire.
Cette réforme doit pourtant théoriquement entrer en application aux élections de 2014, après une adoption promise par François Hollande en 2013. Depuis l’installation du gouvernement, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault ne l’a pas évoquée. « Je ne sais pas si ce silence est politiquement parlant mais il faut prendre les choses en main », demande la sénatrice (EELV) Esther Benbassa.
« C’est un texte qui devra figurer dans les mesures qui devront être prises durant le quinquennat », renchérit l’entourage du patron du groupe PS au Sénat François Rebsamen.
L’hypothèse d’un référendum divise
Faute d’adoption par la voie parlementaire, le Président a prévu un référendum sur un sujet où une majorité peut être trouvée à en croire les sondages. Mais « attention, le référendum est dangereux », prévient Mme Benbassa car « il y a un écart entre glisser un bulletin dans l’urne et répondre à la question d’un sondeur ». « Ce n’est pas le meilleur moment politique pour aller à un référendum, il ne faut pas le faire dans un contexte de crise », abonde le juriste Serge Slama.
« Regardez le gouvernement, regardez l’Assemblée nationale » avec leurs ministres et députés issus de la diversité. « La France avance, la France bouge. Nos concitoyens sont prêts, ils sont plus avancés que les politiques sur ces questions », nuance Mme Khiari.
Même son de cloche du côté du député écologiste Noël Mammère juge l’opinion « prête pour le vote des étrangers » non communautaires. « Le personnel politique français, non seulement n’est pas le reflet de la diversité sociale de ce pays, et en même temps, il est très conservateur. Il y a aujourd’hui à l’Assemblée nationale et au Sénat des hommes et des femmes de la droite (…) qui vont comprendre que la société est déjà prête au vote des étrangers ».
Rappelant le travail réalisé au Sénat sur le sujet, Mme Benbassa espère que « l’UMP aura la sagesse de tirer les leçons de son échec après sa droitisation et son flirt avec le Front National ». Le 9 décembre 2011, le Sénat nouvellement passé à gauche a adopté cette réforme après un débat houleux où l’ex-Premier ministre François Fillon a dénoncé un « travail de sape d’un des fondements de notre République ».
(avec AFP)