Le Sénat a adopté à l’unanimité dans la nuit de mardi à mercredi, en première lecture, après l’Assemblée nationale, une proposition de loi LREM destinée à mieux « protéger les victimes de violences conjugales », qui introduit une exception au secret médical en cas de « danger immédiat ».
Députés et sénateurs vont maintenant tenter de se mettre d’accord sur une version commune du texte en commission mixte paritaire.
Une première série de mesures avaient déjà été adoptées fin 2019, dans la proposition de loi du député LR Aurélien Pradié, dont la généralisation du bracelet anti-rapprochement.
« Un tiers des mesures du Grenelle des violences conjugales est d’ores et déjà réalisé, un autre tiers est en cours de déploiement et le dernier tiers poursuit sa préparation, notamment ici avec vous », a déclaré la secrétaire d’État à l’Egalité femmes-hommes Marlène Schiappa.
« On déplore à ce stade 36 homicides conjugaux en 2020, contre 150 sur l’ensemble de l’année 2019. Ce n’est évidemment pas une victoire (…) mais cette diminution est sans doute un marqueur de la pertinence des dispositifs qui ne sont pas encore totalement déployés », a affirmé la garde des Sceaux Nicole Belloubet.
Le texte, précisé par les sénateurs, autorise le médecin à déroger au secret professionnel lorsqu’il « estime en conscience » qu’il y a « danger immédiat » pour la vie de la victime et situation d’emprise.
Il alourdit les peines en cas de harcèlement au sein du couple, les portant à dix ans d’emprisonnement lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.
« Le terreau des violences conjugales c’est un phénomène de domination », a affirmé Mme Schiappa, soulignant que « pour la première fois » la notion d’emprise entre dans la loi.
Le texte réprime aussi la géolocalisation d’une personne sans son consentement et crée une circonstance aggravante en cas de violation du secret des correspondances par un conjoint ou ex-conjoint, pour mieux lutter contre les « cyberviolences conjugales ». Dans le même esprit, les sénateurs ont créé une circonstance aggravante du délit d’envoi réitéré de messages malveillants.
Il renforce par ailleurs la protection des mineurs concernant l’exposition à la pornographie, un amendement du Sénat imposant un contrôle d’âge aux éditeurs de sites pornographiques.
Le décret polémique sur les ordonnances de protection dont bénéficient les femmes victimes de violences conjugales s’est invité dans les débats, critiqué sur la majorité des bancs comme par les associations féministes. Le Sénat a adopté un amendement PS pour contrer la mesure. Mme Belloubet s’y est déclarée « défavorable » évoquant néanmoins la possibilité d’aménagements et annonçant une « rencontre avec les professionnels » mercredi.
La rapporteure LR Marie Mercier a, comme d’autres orateurs, regretté que le Parlement n’ait pas été saisi d’un seul texte.
« Nous avons besoin d’une volonté politique implacable », a-t-elle souligné, tandis que la présidente de la délégation aux Droits des femmes Annick Billon (centriste) rappelait que le confinement a « rendu difficile la protection de femmes et d’enfants enfermés dans un foyer violent ».
Marie-Pierre de la Gontrie (PS) a regretté la « portée assez limitée » du texte, Esther Benbassa (CRCE à majorité communiste) déplorant qu’il « laisse de côté toute dimension éducative et préventive ».
Ses dispositions sont « attendues par les victimes et la société dans son ensemble », a défendu Thani Mohamed Soilihi (LREM), tandis que Françoise Laborde (RDSE à majorité radicale) estimait qu’il « participe à ce que la peur change de camp ».
La « persistance » de violences conjugales « est une meurtrissure (…) qui nous impose d’agir », a affirmé Dany Wattebled (Indépendants).