Par Mehdi Fikri
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L’association Graines de France présentait hier ses propositions pour rapprocher forces de l’ordre et population, après une série de rencontres menées dans les quartiers populaires.
Dans les quartiers, police et population se tournent le dos. Les îlotiers ont laissé la place à la BAC. Les agents ne discutent plus avec les mémés et les contrôles au faciès sont devenus une méthode. L’an dernier, l’association Graines de France a organisé une série de tables rondes en région parisienne, de Bobigny à Sevran en passant par Sartrouville, pour relancer le dialogue entre la police et les citoyens. Épaulée par l’Open Society Justice Initiative, de la fondation du milliardaire George Soros, qui avait commandé en 2009 une étude dénonçant les contrôles au faciès, Graines de France présentait hier ses propositions. « Nous avons contacté les différents responsables de la sécurité des partis politiques et nous demanderons une commission parlementaire », expliquait Réda Didi, responsable de Graines de France.
Chez les policiers, seule Unité SGP Police a répondu à l’appel. « Et ce n’était pas facile. Car à partir du moment où nous avons accepté de dialoguer, nous avons été la cible des syndicats proche du ministère de l’Intérieur », raconte Yannick Danio, le délégué national. On dit souvent qu’un fossé s’est creusé entre les jeunes des quartiers et la police, poursuit-il, mais ce n’est plus un fossé, c’est un véritable ravin ! La police de proximité a été cassée, et avec elle tout ce qui faisait le lien entre police et citoyens. Le dialogue est rompu. »
La principale proposition avancée par Graines de France est la lutte contre les contrôles d’identité abusifs, avec la mise en place d’un récépissé qui serait remis par le policier à la personne contrôlée. Il permettrait de garder la trace des conditions et des motifs des contrôles. À l’image du système déjà instauré au Royaume-Uni. « Les contrôles sont les seuls actes de l’activité policière qui ne laissent aucune trace. Les encadrer permettrait que la police ne soit pas phagocytée par la recherche d’infractions, au détriment de véritables enquêtes », estime Xavier Gadrat, membre du Syndicat de la magistrature.
Plusieurs membres du Syndicat des avocats de France (SAF) ont aussi déposé des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur les contrôles d’identité. « Avec ce récépissé, on pourra collationner les données et lutter contre les discriminations. On verra qui est contrôlé, et pourquoi », souligne Maxime Cessieux, secrétaire général du SAF.
Contrôles sélectifs
En 2009, René Levy et Fabien Jobard, chercheurs au CNRS, ont montré qu’un Arabe et un Noir avaient respectivement 7,8 et 6 fois plus de « chance » de se faire contrôler par un policier qu’un Blanc. En 2010, dans une enquête de l’agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, près de 32 % de la population française déclarait avoir été contrôlée dans l’année passée, contre 38 % pour les Subsahariens et 42 % pour les Nord-Africains. »