Un suspect interpellé après le meurtre du Guinéen Mamoudou Barry

Un homme a été placé en garde à vue ce lundi, puis hospitalisé, dans l’enquête sur la mort de Mamoudou Barry. Ce Guinéen de 31 ans a été victime d’une agression d’une extrême violence vendredi soir près de Rouen. Ses proches dénoncent un crime raciste.

Deux jours après l’agression qui a coûté la vie à Mamoudou Barry, enseignant-chercheur à l’université de Rouen, le procureur a confirmé l’interpellation d’un suspect et son placement en garde à vue ce lundi. Sa garde à vue a été levée «à la suite de l’examen médical», et le suspect hospitalisé, selon le procureur de Rouen, Pascal Prache. L’homme, d’origine turque, né en 1990, aurait des antécédents psychiatriques et serait connu des services de justice pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, selon la police. Il est «sous curatelle renforcée». Son arrestation aurait été rendue possible grâce aux témoignages et aux caméras de surveillance.

C’est vendredi soir, à 20h20, peu avant la finale de la Coupe d’Afrique des nations entre l’Algérie et le Sénégal que les faits se seraient produits. Mamoudou Barry, un enseignant-chercheur de nationalité guinéenne était au volant de sa voiture à Canteleu (Seine-Maritime) pour assister au match de foot avec sa femme chez son ami Kalil Keita, également enseignant sur le campus de Rouen. Selon ce dernier, c’est sur la route, au niveau d’un arrêt de bus que l’agresseur «les a pointés du doigt et a dit : « Vous les sales noirs, on va vous niquer ce soir. » Il faisait allusion au match Sénégal-Algérie». Une agression verbale qui a poussé Mamoudou Barry à descendre de sa voiture pour demander des explications à son agresseur. Celui-ci l’aurait roué de coups. «C’est au quatrième coup qu’il est tombé sur la nuque. Madame Barry a vu son mari par terre, elle a commencé à hurler sur l’agresseur qui l’a menacée à son tour avant de repartir tranquillement», continue Kalil Keita.

La police a confirmé que les coups avaient causé «les lésions cérébrales et mis dans un coma profond» Mamoudou Barry. Transféré au CHU de Rouen, ce père de famille est décédé samedi après-midi. L’avocat de la famille, Me Jonas Haddad, a déclaré à l’AFP peu avant l’interpellation du suspect qu’il s’agissait d’«un crime raciste, sans aucun doute». Il rappelle cependant que «rien ne permet d’établir que c’est en lien avec la finale de la CAN».

Réactions en cascade

Agé de 31 ans, ce chercheur était apprécié de ses étudiants et «forçait par son travail l’admiration de ses collègues», pouvait-on lire dans un communiqué de Joël Alexandre, président de l’université de Rouen-Normandie. Jean-Paul Kotembedouno, qui enseigne le droit à l’université de la Sorbonne, est un ami et confrère de longue date de Mamoudou Barry. Il décrit à Libération un homme qui n’était «ni violent, ni impulsif» : «La seule chose qu’on peut lui reprocher, c’est de penser que la raison peut toujours l’emporter.» C’est ce qui aurait pu pousser Mamoudou Barry à descendre de sa voiture : essayer «d’amener à travers la raison son agresseur à réaliser qu’il avait tort de l’insulter». Jean-Paul Kotembedouno exprime le désarroi de la communauté guinéenne qui ne «s’habituera jamais à la condescendance de certains envers eux».

Une cagnotte lancée par l’Association des jeunes Guinéens de France sur Leetchi, qui devrait servir à rapatrier le corps de la victime et aider financièrement sa veuve et sa fille, cumule déjà plus de 25 000 euros de dons ce lundi après-midi. L’association prévoit également d’organiser une marche blanche, a précisé Jean-Paul Kotembedouno.

Les réactions ont également été vives chez les politiques. Dimanche, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, s’est exprimé via Twitter parlant d’un «acte odieux» et a présenté ses condoléances à la famille de la victime. Eric Ciotti, député LR, s’est dit «scandalisé par ce crime barbare» et Esther Benbassa, sénatrice Europe-Ecologie Les Verts, a rappelé ce lundi une autre agression : «A Lyon, vendredi, une famille [a été] violemment agressée et traitée de « sales bougnoules » par un groupe de l’ultra droite. En France, toute l’horreur du racisme».

SOS Racisme a déclaré dans un communiqué ce matin que «toute la lumière doit être rapidement faite sur les circonstances de cet acte barbare. En effet, il flotte sur cet acte criminel un parfum de racisme sur lequel les services enquêteurs doivent rapidement se prononcer».

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