Un débat express face aux excès des ‘antis’ (L’Humanité, 15 avril 2013)

Par Ixchel Delaporte.

« La deuxième lecture prévue fin mai à l’Assemblée du projet de loi sur le mariage pour tous, adoptée par le Sénat vendredi, a été avancée à ce mercredi. Une façon de tenter de mettre fin à la guérilla menée par les opposants au texte. Ses défenseurs, eux, se réjouissent de cette accélération.  »

Dans une ambiance haineuse et homophobe, une lueur d’espoir : le projet de loi sur le « mariage pour tous », attendu pour une deuxième lecture à l’Assemblée nationale fin mai, sera finalement discuté dès mercredi prochain. Objectif pour le gouvernement : couper court à la guérilla des anti-mariage, qui multiplient les actions plus ou moins violentes.

Après cette annonce survenue vendredi dernier, à la suite du vote du texte par le Sénat, Bruno Le Roux, chef de file des députés socialistes, a aussitôt qualifié cette décision de « sage et légitime », jugeant « intolérable la dérive attisée par des groupes extrémistes et dont l’opposition parlementaire ne s’est jamais démarquée ». Cette décision, qui a pris de vitesse les opposants, a aussi le soutien de tous ceux qui ont bataillé, militants associatifs comme politiques, pour une ouverture du mariage aux couples du même sexe. Et qui assistent effarés à une accumulation de menaces. Ainsi, Esther Benbassa, sénatrice EELV, se réjouit de l’avancée de l’examen du projet. « On a passé sept jours à se faire insulter. On s’est battus comme des lions. Je pense qu’on aurait dû voter ce texte dès l’été dernier. On a trop attendu et il y a eu une récupération. J’ai reçu des lettres de menaces, “on va vous pendre par la tête”, “on va vous crever les yeux”… L’UMP joue avec le feu et ce n’est pas à sa gloire de contribuer à cette remontée haineuse digne des années 1930 », analyse la sénatrice.

le calendrier avancé

Pour Jérôme Martin, militant à Act Up Paris, l’avancée du calendrier est aussi « une bonne nouvelle ». D’après lui, les groupuscules déversant ce flot de haine se sont senti pousser des ailes « parce qu’on leur a donné trop d’espace et de visibilité ». « Cette haine, poursuit-il, voilà des mois qu’on la dénonce. S’opposer au mariage pour tous relève d’une forme d’homophobie. Les masques tombent. Ces manifestants, soi-disant respectables, hurlent que les homosexuels sont des sous-citoyens. Aurait-on accepté cela pour un autre type de population ? »

Ces dernières semaines, la Manif pour tous, animée par Frigide Barjot, qui a rassemblé 300 000 personnes le 24 mars, tentait de donner une image policée, même si devant le Sénat, vendredi dernier, elle a lâché : « Hollande veut du sang, il en aura ! Tout le monde est furieux, nous vivons dans une dictature. » Parallèlement, le Printemps français, marque déposée émanant de l’ultracatholique Béatrice Bourges, rassemblant Civitas, le Bloc identitaire, le Groupe union défense (GUD) ou encore l’Union nationale interuniversitaire (UNI), a choisi la stratégie de la violence en multipliant les intimidations à l’encontre des élus pro-mariage pour tous. Ils ont, début avril, dégradé un espace associatif parisien Inter-LGBT. Des agissements « vigoureusement condamnés » par Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem.

l’égalité des droits

Samedi à Nantes, cette dernière et Caroline Fourest devaient intervenir lors d’un débat sur l’islam organisé par le Nouvel Observateur. Mais des menaces publiées sur Twitter par un membre du Front national ont dissuadé la ministre des Droits des femmes de faire le déplacement. Caroline Fourest, en revanche, n’a pas annulé. Violemment prise à partie dès sa descente du train par une poignée de militants anti-mariage pour tous, elle les a retrouvés dans l’amphi où avait lieu le débat, puis de nouveau à la gare, occupant les voies, pour empêcher le départ du train. « Le paradoxe, relève-t-elle, c’est que ces manifestants sont censés être partisans de l’ordre moral et ils se comportent comme des voyous. »

Ian Brossat, conseiller de Paris (PCF), se dit très satisfait de l’accélération du calendrier parlementaire : « On a déjà suffisamment traîné face à cette homophobie décomplexée. Les hésitations de Hollande ont ouvert une brèche dans cette radicalisation inquiétante. Il ne faut plus que la gauche baisse la garde. Le 5 mai, nous manifesterons et ces forces réactionnaires n’ont rien à faire avec nous » (lire p. 3).

À l’Assemblée, le projet de loi a de bonnes chances d’être adopté avant la fin de la semaine. Ce sera alors un grand pas pour l’égalité des droits. « Le débat démocratique a eu lieu, relève Nicolas Gougain, porte-parole de l’Inter-LGBT. Mais, une fois le texte voté, les opposants devront prendre leurs responsabilités. Et des milliers de couples homosexuels pourront enfin accéder aux mêmes droits que les hétérosexuels ». »

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