Une centaine d’élus écologistes, parmi lesquels Benoît Hamon, Sandra Regol, Michèle Rivasi ou Julien Bayou, réclament, dans une tribune au « Monde », que l’Union européenne ne ratifie pas l’accord commercial qu’elle a signé le 30 décembre 2020 avec la Chine, tant que celle-ci continue sa politique d’éradication à l’encontre des Ouïgours.
En ce 12 février débute le Nouvel An chinois. Témoignage de la persistance à travers les âges de la culture dominante en Chine, celle des Han (ethnie majoritaire à l’échelle du pays), cette tradition ne saurait pourtant occulter la richesse et la diversité de la société chinoise : l’immense territoire chinois regroupe en effet de nombreuses cultures et populations dont les traditions sont souvent méconnues, voire censurées par le pouvoir en place.
Ainsi, des rapports de plus en plus nombreux et étayés attestent depuis 2016 de la politique d’éradication culturelle menée par le régime de Pékin à l’encontre des Ouïgours, population musulmane turcophone, habitant principalement la province du Xinjiang.Lire aussi Ouïgours : l’asservissement d’un peuple
Arrestations arbitraires, internements dans des camps de « rééducation », soumission au travail forcé, campagnes de stérilisation perpétrées à l’encontre des femmes, contraceptions et avortements forcés, destruction des lieux de culte, prélèvements d’organes, interdiction de parler leur langue, interdiction de donner un prénom musulman à leur enfant et même persécutions au-delà des frontières… La liste des violations et des crimes commis à l’encontre de la communauté ouïgoure semble sans fin.
Comme les Tibétains
En parallèle, Pékin facilite la migration de Chinois han dans la région du Xinjiang : les Ouïgours sont ainsi en passe d’y devenir minoritaires. Comme pour les Tibétains, à terme, c’est l’existence même de cette population, avec sa culture et ses spécificités, qui est menacée.
Kazakhs, Ouzbeks et Mongols sont exposés au même risque en tant que minorités ethniques : le Parti communiste chinois est sans pitié contre celles et ceux qui pourraient contester son autorité sur le territoire chinois. Hongkong en a aussi fait les frais, la répression contre l’opposition démocratique aux représentants de Pékin étant féroce.Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Agir pour les Ouïgours, c’est une manière de nous définir en tant que monde »
Selon l’ONG Human Rights Watch, entre un et trois millions de Ouïgours sont actuellement enfermés dans des camps où il leur est appris à oublier leur culture, leur religion, à coups de sévices, et où ils sont forcés à produire des biens que nous, Européens, consommons parfois sans même le savoir.
Ces violations des droits humains permettent ainsi à des multinationales – dont certaines européennes – de réduire leurs coûts de production : un rapport de l’Institut australien de politique stratégique a ainsi identifié, en février 2020, plus de quatre-vingts entreprises bénéficiant de ce travail forcé. Pour éluder leurs responsabilités, elles se cachent derrière leurs sous-traitants.
Sous la pression de la France et de l’Allemagne
C’est dans ce contexte que l’Union européenne (UE) et la République populaire de Chine ont signé un accord de principe sur les investissements, annoncé le 30 décembre 2020. Cet accord, qui constitue de notre point de vue une faute politique grave, a été conclu sous la pression de la France et de l’Allemagne, en faisant fi non seulement du contexte de violations récurrentes des droits humains en Chine, mais aussi des intérêts même des Européens. Un accord que le Parlement européen est loin de soutenir.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Comment la Chine tente d’effacer les minorités musulmanes
Alors que la signature officielle du texte d’accord global sur les investissements entre la Chine et l’Union européenne n’interviendra qu’après une finalisation juridique et technique qui pourrait prendre plusieurs mois, nous, élus écologistes municipaux, métropolitains, régionaux, européens et sénatoriaux, exigeons que la ratification de cet accord ne soit pas examinée tant que la Chine n’aura pas cessé ses exactions au Xinjiang, mais aussi à Hongkong.
Par ailleurs, nous demandons que l’Union européenne, premier marché au monde, interdise, comme l’ont déjà fait les Etats-Unis, l’entrée sur le territoire européen des produits issus du Xinjiang, considérés comme étant d’office le fruit du travail forcé. Pour cela, les Etats européens, au premier rang desquels la France, doivent cesser toute complaisance envers le régime de Pékin, et arrêter de sacrifier le respect des droits humains au bénéfice de quelques multinationales. Faisons entendre la voix d’une Europe en cohérence avec ses valeurs.
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