Travail du sexe : Zéro Macho, Zéro Expertise, Zéro Cohérence (Yagg, 12 octobre 2015)

« Le porte-parole de Zéro Macho, Patric Jean, se fend sur Mediapart d’une tribune sur le travail du sexe. Constatant le machisme qui règne au Sénat, il en fait la seule raison qui explique le rejet de certaines dispositions de la loi sur la prostitution en commission le 7 octobre. Il serait dommage selon lui qu’on n’ait pas écouté la seule parole légitime sur la question, celle des élues favorables à la loi. Et toutes les autres femmes opposées à la loi, elles ne comptent pour rien ? Patric Jean invente un nouveau féminisme : celui où des mecs ne considèrent la parole des femmes qu’à condition qu’elles soient d’accord avec eux. Ce discours se tient au mépris de toute expertise, de toute rigueur, de toute cohérence et de tout impératif de lutte contre le VIH/sida.

Que le machisme règne au Sénat, qui peut en douter ? Mediapart en apporte la preuve par certains témoignages de son Machoscope. J’en ai chroniqué un exemple à propos des sénateurs Poher et Mayet sur cet article.

Que la parole de femmes sur des sujets féministes doive être priorisée, qui peut encore en douter ? La parole à la première personne est vitale. Et Patric Jean de citer des responsables politiques favorables à la pénalisation des clients : Vallaud-Belkacem, Maud Olivier, Danielle Bousquet, Marie-George Buffet, etc. De ces faits et de certaines rumeurs1 il conclue que si « la loi sur la prostitution a été une seconde fois retoquée par les sénateurs en commission hier. », c’est à cause du machisme du Sénat. […]

Zéro Calcul

Mais prenons acte avec Patric Jean que la loi n’est que répressive et ne compterait donc que la pénalisation des clients. Selon le porte-parole de Zéro Macho, la mesure aurait été retoquée car le machisme dominerait le Sénat, faisant taire la voix des femmes élues.

Faisons un peu les comptes. Dans la commission dont parle Patric Jean (dont la composition est visible à ce lien), je compte 22 femmes et 16 hommes. Même en tenant compte d’absences éventuelles, on doit bien se dire que la pénalisation des clients a dû être refusée…par des sénatrices !

Soit Patric Jean nous la joue à la Monsieur Jourdain et découvre que des femmes peuvent avoir des avis différents de lui ; soit il le savait et refuse d’en parler, minant toute la cohérence de son argumentation.

Pourquoi Patric Jean n’en parle-t-il pas, lui qui estime qu’elles sont « parfaitement placées pour connaître les conséquences de la violence sexiste, y compris en politique. » ? Esther Benbassa est une sénatrice particulièrement engagée pour une autre politique concernant le travail du sexe. Pourquoi ne pas la citer ?

La voix de ces femmes doit-elle tenue pour négligeable ? Mais pour quelles raisons ? Elles seraient manipulées ? Une femme, par essence, doit-elle penser comme Najet Vallaud Belkacem à propos de la prostitution, sinon elle serait dévoyée ? Manipulée par d’obcurs lobbys ? Intimidée par le sexisme qui règne au Sénat ? Il serait trop difficile pour un auto-proclamé « Zéro Macho » de considérer que des femmes différentes puissent défendre des féminismes différents ? La position de Patric Jean appelle de nombreuses questions. Aucune réponse ne laisse indemne : car quelle que soit la raison invoquée, il faut à un homme une bonne dose de condescendance machiste pour effacer du spectre démocratique les voix des femmes qui ne pensent pas comme vous et décerner de son socle masculin des bons points en féminisme. […]

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