La rédaction.
» Le Sénat a adopté, dans la nuit de lundi 15 à mardi 16 juillet, les deux projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique, mais ont rejeté la disposition sur la publication des déclarations de patrimoine et d’intérêts. Une révision du texte qui était prévisible, selon la sénatrice EELV Esther Benbassa.
La loi sur la transparence de la vie publique a été amputée de son premier article, concernant la publication des déclarations de patrimoine et d’intérêts, à cause de la coalition entre l’UMP, les radicaux de gauche, et les centristes. Un rejet prévisible tant le débat a été faussé dès le départ. Ce projet de loi étant né sous l’émotion de l’affaire Cahuzac, les parlementaires l’ont pris comme une sorte de punition en réponse aux actes de l’ex-ministre du Budget.
L’exécutif a frappé trop fort et trop vite, d’où l’irritation des parlementaires, qui a entraîné de nombreuses révisions du texte. Si, au lieu d’agir dans la précipitation, nous avions eu plus de temps pour travailler le projet de loi, si nous avions été davantage consultés par l’exécutif, la publication du patrimoine, telle que la souhaitait le gouvernement, aurait pu être votée. Mais entre la très courte majorité et les manœuvres politiques, la loi avait peu de chances d’être approuvée en l’état.
En France, dès que l’on gagne de l’argent, on est soupçonné
La France est un pays de tradition catholique, où l’argent est mal vu, puisque la religion interdisait aux croyants d’accorder de l’importance aux biens terrestres. Notre culture a été influencée par cette doctrine, même si la France est aujourd’hui un pays laïc. Dans les pays protestants en revanche, la publication du patrimoine ne pose aucun problème, car les citoyens se réjouissent que leurs politiciens gagnent de l’argent: dans l’imaginaire populaire, cela signifie qu’ils sont de bons gestionnaires. Mais en France, dès que l’on gagne de l’argent, on est soupçonné de l’avoir volé.
Si vous ajoutez à cela qu’il y a dans l’hémicycle de nombreux sénateurs franc-maçons, habitués à rester dans le secret… Cet état d’esprit était particulièrement perceptible lors des discussions parlementaires, qui se sont avérées épineuses lorsque le Sénat s’est penché sur cette première partie de la loi. Comme on le dit si souvent en France, «pour vivre heureux, vivons cachés»! En revanche, la transparence sur la réserve parlementaire n’a posé aucun problème problème.
Les parlementaires doivent intégrer la transparence dans leur mentalité
Dès notre élection, nous avons publié les sommes distribuées par le biais de notre réserve parlementaire, ainsi que les déclarations de patrimoine des sénateurs et sénatrices EELV. Car il est nécessaire que les parlementaires intègrent la transparence dans leur mentalité. Mais cela ne se fera pas par une loi! Les médias et le gouvernement ont tellement parlé de transparence qu’ils ont créé des attentes impossibles à atteindre dans l’opinion publique.
Il existe aujourd’hui une méfiance envers les parlementaires. Les socialistes nous ont fait entrer dans l’ère de la moralisation, car c’est historiquement leur tendance, je l’ai constaté quand j’ai proposé la loi sur l’abrogation du délit de racolage. Cette attitude est dangereuse! N’oublions pas que tous les régimes totalitaires -même si la majorité au pouvoir n’a rien à y voir- ont rêvé de créer l’homme nouveau, moral. Mais les politiciens sont à l’image de la population: ce sont des êtres humains, des citoyens avec des qualités et des défauts.
Le but de la transparence n’est pas la moralisation, mais de créer un contrat de confiance entre les parlementaires et les électeurs, en leur rappelant que nous travaillons pour eux, que nous sommes des élus honnêtes et non des voleurs. Et si je ne faisais pas partie de la majorité, j’aurais voté contre la loi sur transparence de la vie publique, uniquement à cause de cette idée de moralisation. »
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