Taubira comparée à un singe: le FN et son ex-candidate font appel (DHNET.be, 16 juillet 2014)

« Le tribunal de Cayenne a frappé un grand coup en condamnant à de la prison ferme une ex-candidate FN qui avait comparé Christiane Taubira à un singe.

Saluée par les organisations antiracistes, cette peine a été dénoncée comme disproportionnée par le parti d’extrême droite et l’ex-candidate, qui vont faire appel. Mme Taubira s’est bornée, elle, à souligner que les magistrats jugeaient « selon le Code pénal ».

L’affaire avait fait grand bruit et contrarié la stratégie de dédiabolisation et de professionnalisation du FN.

Le 17 octobre, dans un reportage diffusé sur France 2, Anne-Sophie Leclère, qui tentait de constituer une liste dans la petite ville de Rethel (Ardennes), assumait sans difficulté le photomontage publié sur sa page Facebook comparant un petit singe (avec la mention « à 18 mois ») à la garde des Sceaux (« maintenant »).

Niant tout « racisme », cette commerçante expliquait néanmoins préférer voir Mme Taubira « dans un arbre après les branches que comme ça, au gouvernement ». Elle avait été exclue du FN en décembre, à trois mois des municipales. Le parti de Marine Le Pen n’avait finalement pas présenté de liste dans cette commune.

Saisi d’une plainte du mouvement guyanais Walwari cofondé par Mme Taubira, le tribunal de grande instance de Cayenne, terre natale de la garde des Sceaux, est allé au-delà des réquisitions du procureur (4 mois ferme) en infligeant neuf mois de prison ferme, 5 ans d’inéligibilité et 50.000 euros d’amende à Mme Leclère, ainsi que 30.000 euros d’amende au FN en tant que personne morale.

« C’est totalement disproportionné, j’ai été très choquée d’apprendre ce jugement », a réagi l’ex-candidate qui a annoncé son intention de faire appel.

Mme Leclère n’était pas représentée à l’audience. « On n’a trouvé aucun avocat pour nous représenter à Cayenne et je n’avais pas les moyens de me payer le billet d’avion », a-t-elle affirmé.

Si elle n’a plus aucun contact avec les instances du FN, Mme Leclère ne cache pas néanmoins qu’elle reste proche des idées de son ancien parti.

Selon son avocat parisien, Me Jacques Erb, deux procédures sont encore en cours à Paris.

Mme Taubira n’a pas souhaiter commenter cette décision de justice. « Les magistrats jugent en droit, c’est-à-dire qu’ils ne jugent pas selon leur fantaisie, ils jugent selon le Code pénal » a-t-elle cependant souligné à l’issue du Conseil des ministres.

– Un jugement ‘rare et inédit’ –

Sans contester le principe d’une condamnation de son ex-militante, le FN va lui aussi faire appel pour ce qui le concerne d’un jugement « grotesquement disproportionné » et « politique » dans lequel il décèle « la main de Christiane Taubira ».

« Le Front national se retrouve condamné comme parti politique. A quel titre? (…) Dans le droit français, il n’y a pas de responsabilité pénale d’une personne morale pour un délit relatif à la liberté d’expression. Ce jugement n’a pas de légalité », a plaidé le vice-président du parti, Florian Philippot.

Plusieurs responsables FN se sont indignés sur twitter de cette condamnation, le patriarche Jean-Marie Le Pen évoquant des « magistrats traîtres à la loi et violeurs de la morale », l’eurodéputé Bruno Gollnisch « une décision ignoble », la députée Marion Maréchal-Le Pen « un jugement disproportionné et illégal ».

Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, sans porter « de jugement sur le jugement » a insisté sur un « acte de racisme » jugé « révoltant, inadmissible et condamnable ». Ces propos ne sont pas « seulement interdits par la décence et la morale mais c’est interdit par la loi », a voulu rappeler François Bayrou, le président du MoDem.

Le députe-maire UMP de Nice Christian Estrosi a lui vu une condamnation « pas excessive » même s’il a déploré une justice à deux vitesses, tandis que la sénatrice EELV Esther Benbassa y a vu un signal « nécessaire » même si la peine est « peut-être trop lourde ».

SOS Racisme s’est de son côté félicité d’un jugement « rare et inédit » mais aussi de la condamnation du FN qui doit « cesser de faire mine de découvrir le profil raciste et antisémite de ses candidats » au gré des révélations publiques.

« Les juges ont voulu envoyer un message, un coup de semonce en disant +ça suffit+ », a pour sa part estimé Alain Jakubowicz, le président de la Licra, auquel la condamnation du Front national paraît cependant « juridiquement discutable ».

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