« Le parlement – Sénat et Assemblée nationale – a donné un feu vert massif à la prolongation des frappes aériennes en Syrie, décidées début septembre par François Hollande et intensifiées depuis les attentats de Paris, même si la droite a critiqué « le temps perdu » avec la Russie.
Moins d’une semaine après le vote de la loi sur l’état d’urgence déjà à une quasi-unanimité, les députés ont voté par 515 voix, contre quatre et dix abstentions, « la prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien », comme le veut la Constitution lorsque la durée d’une intervention militaire excède quatre mois.
Les sénateurs l’ont approuvé de leur côté par 325 voix pour. 21 se sont abstenus, l’ensemble du groupe Communiste, républicain et citoyen et les écologistes Marie-Christine Blandin et Esther Benbassa.
Le Premier ministre, Manuel Valls, s’est félicité aussitôt de ces deux votes dans un tweet: « Vote massif du Parlement pour notre action militaire en Syrie. La France se bat, avec ses armées et la force du droit. MV »
Dans ce contexte post-attentats, ce débat a permis au Premier ministre de réaffirmer que la France est « en guerre » contre le groupe Etat islamique. « Il n’y a pas d’alternative: nous devons anéantir Daech « (acronyme de l’EI en arabe), a déclaré le Premier ministre, indiquant que « plus de 300 frappes » avaient été menées depuis le début de l’engagement des avions de combat français en Irak (septembre 2014) et en Syrie (septembre 2015).
Les 27 partenaires de Paris au sein de l’Union européenne vont apporter un soutien militaire direct ou indirect aux opérations extérieures de la France, notamment en Syrie, a annoncé le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.
Seuls les députés Front de gauche se sont abstenus, estimant, selon leur orateur Jean-Jacques Candelier, « que la prolongation de l’intervention ne peut se faire que sous l’égide de l’ONU ». « Nous sommes en état de légitime défense », lui a répondu Manuel Valls.
– Fillon critique le « ni Assad, ni Daech » –
Même soutien unanime à l’UDI et chez les Républicains, mais avec les réserves fortement exprimées par François Fillon sur le « temps perdu » par François Hollande dans sa coopération avec la Russie.
« Peut-on combattre côte-à-côte avec les Russes, alors que nous leur imposons dans le même temps des sanctions européennes? La réponse est non! », s’est indigné l’ancien Premier ministre à la veille du déplacement de François Hollande à Moscou dans son offensive diplomatique pour créer une « coalition » contre EI.
« Jusqu’à présent, l’essentiel des frappes russes n’était pas dirigé contre Daech » mais « l’opposition modérée », lui a répondu l’actuel locataire de Matignon, tout en se disant prêt à la levée des sanctions contre la Russie à condition qu’elle remplisse « sa part du contrat » en Ukraine.
François Fillon a également estimé que « le leitmotiv du +ni Assad ni Daech+ fut une erreur ». « Pour vaincre les terroristes, nous ne pourrons pas nous passer d’une liaison avec les autorités syriennes. Nous demandons l’ouverture d’un poste diplomatique à Damas », a déclaré ce député de Paris.
Hypothèse exclue par Manuel Valls, à l’unisson de députés de gauche. « Non, le régime syrien ne peut en aucun cas être un partenaire, non, la coopération anti-terroriste ne peut être ni envisageable, ni utile avec ce régime, qui lui-même recourt à la terreur », a déclaré le chef du gouvernement, rappelant qu’en mars 2012, lorsque François Fillon était Premier ministre de Nicolas Sarkozy, la France « avait pris la juste décision de rompre les relations avec la Syrie ».
Majorité et opposition de droite se sont rejoints pour soutenir l’intervention de troupes au sol de forces de la région, mais sans soldats français.
« Il serait totalement déraisonnable et improductif d’engager nous-mêmes des troupes au sol. Avec qui? Dans quelles conditions? Avec quels pays occidentaux? », a demandé Manuel Valls.
Le Premier ministre a toutefois insisté sur le soutien nécessaire aux rebelles kurdes, sujet de divergence majeure avec la Turquie, pays dont tous les orateurs ont dénoncé « l’ambiguïté », que ce soit sur le contrôle des jihadistes aux frontières ou l’achat du pétrole de l’EI. « Il faut avoir avec la Turquie un dialogue très clair », a reconnu Jean-Yves Le Drian.
Le chef du gouvernement a en revanche écarté tout rapprochement avec le Hezbollah, qui combat aux côtés de l’armée syrienne, comme l’avait demandé François Fillon dans la matinée. Cette déclaration a fait jaser à droite vu que la branche armée du parti libanais est classée sur la liste noire des organisations terroristes de l’UE.
Jugeant que l’orateur des Républicains commettait une « contradiction majeure » en excluant d’une grande coalition les pays sunnites comme la Turquie et les pays du Golfe, Manuel Valls a lancé: « Attention à une nouvelle forme de néo-conservatisme, qui va cette fois-ci de l’est vers l’ouest ». »