Respect Mag, 02.03.2012 : Banlieues: Esther Benbassa interpelle le gouvernement

Par Aurélia Blanc

La sénatrice d’Europe Ecologie-Les Verts a interrogé Maurice Leroy, ministre de la Ville, sur la situation des quartiers populaires. Loin d’admettre les difficultés rencontrées par leurs habitants, il s’est au contraire félicité du succès de la rénovation urbaine.

Tapis rouges, dorures, immenses peintures murales… Bienvenue au Sénat ! Lieu d’Histoire sous haute surveillance, c’est aussi l’un des principaux théâtres de la vie politique française. Ici, 343 sénateurs ont droit de cité. Mission : voter des lois et contrôler l’action du gouvernement. Concrètement ? Toutes les deux semaines (ou presque), les sept groupes politiques siégeant au Sénat posent par exemple des questions d’actualité aux ministres, lors d’une séance retransmise en direct sur France 3.

Le 1er mars, la sénatrice Esther Benbassa (Europe Ecologie – Les Verts) a ainsi interpellé le ministre de la Ville, Maurice Leroy, sur la situation des banlieues.

« M. Sarkozy, candidat à la présidentielle, ne s’est pas déplacé, contrairement à ses homologues de gauche, au « Ministère de la crise des banlieues », commence-t-elle dans un hémicycle aux trois-quarts vide. Je viens donc ici même porter la voix de ces citoyens des banlieues pour interpeller le Gouvernement sur la situation d’urgence où se trouvent nos quartiers populaires ».

Deux minutes trente, chrono en main, pour exposer la situation. Court, mais suffisant pour évoquer « ces familles négligées par les pouvoir publics, réduites à vivre dans des logements vétustes et exigus, victimes d’un chômage touchant 40% de leurs jeunes», «ces populations abandonnées par l’école», «humiliées par les contrôles au faciès récurrents »(1).

Langue de bois : 1 – Débat : 0

D’abord silencieuse, l’assemblée se dissipe. Sur les bancs du Sénat, on s’agite, on parle, certains rigolent même franchement. «Que ferez-vous donc, si, par malheur, vous restez au pouvoir, pour que ces jeunes, qui ont la rage au ventre, deviennent enfin ce qu’ils sont: les dignes enfants de notre République, ses citoyens actifs et respectés? poursuit la sénatrice, devant un public essentiellement masculin et désespérément monochrome. Education, emploi, logement, pratiques policières et judiciaires, démocratie locale, responsabilisation citoyenne, santé, ascension sociale, lutte contre le racisme, tout cela est de notre responsabilité. En ces domaines, qu’avez-vous fait? Que ferez-vous?».

Pas grand-chose, si l’on en croit la réponse du ministre. La situation dépeinte par l’élue? Une « caricature», selon lui. Pendant deux minutes trente, Maurice Leroy se félicite au contraire de la politique de rénovation urbaine menée dans les quartiers, «un succès reconnu».

L’emploi ? « Ca ne se décrète pas », estime-t-il, rappelant que «tous les gouvernements successifs se battent pour les banlieues». Bref, une réponse poussiéreuse à une question d’actualité. « Ces questions peuvent être le point de départ d’une réflexion, explique Vanessa Léglise, collaboratrice parlementaire d’Esther Benbassa. Le ministre est obligé de répondre, même s’il peut choisir de faire de la langue de bois ». Maurice Leroy, lui, a préféré botter en touche. Révélateur de l’intérêt porté par le gouvernement à la situation des quartiers populaires.

Photo: D.R.

(1) Le groupe Europe Ecologie – Les Verts a déposé une proposition de loi sur la lutte contre les contrôles aux faciès au Sénat en novembre 2011.