Réforme de la justice : le Sénat adopte l’amende forfaitaire pour les consommateurs de cannabis (Public Sénat, 11 octobre 2018)

Réforme de la justice : le Sénat adopte l’amende forfaitaire pour les consommateurs de cannabis

Lors de l’examen du projet de loi de la réforme de la justice, les sénateurs ont voté ce jeudi l’instauration d’une amende forfaitaire de 300 euros pour usage de stupéfiants, en l’élargissant à d’autres délits.

Par Julien Chabrout
5mn

L’annonce avait été faite par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, en avril dernier, devant les députés. Fumer un joint sera désormais passible d’une amende immédiate tout en restant un délit. La commission des lois du Sénat a voté ce jeudi pour l’instauration d’une amende forfaitaire de 300 euros pour usage de stupéfiants, en particulier de cannabis, à l’occasion de l’adoption de l’article 37 du projet de loi de réforme de la justice. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaire majorée est de 600 euros. Cette amende forfaitaire concerne aussi la vente d’alcools aux mineurs de moins de 16 ans.

« La forfaitisation que nous proposons est un outil supplémentaire dans une gamme de réponses, ce n’est pas l’outil qui remplacera l’ensemble des autres mesures de politique pénale, a déclaré Nicole Belloubet. C’est un outil efficace, un outil qui n’empêche en aucun cas de conduire une politique de santé publique et un outil qui préserve une réponse individualisée dans un certain nombre de cas. »

Pour la garde des Sceaux, cette mesure s’inscrit dans une logique « d’efficacité, de fermeté, de dissuasion et de santé publique » alors qu’aujourd’hui « les consommateurs font l’objet d’un simple rappel à la loi », a-t-elle rappelé.

La commission des Lois du Sénat et le gouvernement ont été sur la même longueur d’onde. « La commission considère que ce dispositif n’est qu’un moyen de réponse parmi d’autres. Il a une autre vertu : taper là où ça fait mal, on prend de l’argent », a estimé le co-rapporteur ( LR) de la commission des Lois, François-Noël Buffet. « La position de la commission depuis le début de ce texte est de dire qu’il faut trouver la peine adaptée et efficace », a-t-il ajouté.

Favorable à la dépénalisation du cannabis et une légalisation contrôlée, son cheval de bataille depuis des années, la sénatrice écologiste Esther Benbassa a défendu un amendement visant à supprimer l’amende forfaitaire délictuelle à l’encontre des consommateurs de stupéfiants. En vain. « Le principe d’individualisation de la peine est bafoué. Cette mesure octroie un pouvoir arbitraire aux forces de l’ordre chargées d’appliquer la contravention. Ils pourront de ce fait sanctionner sans limite et au plus grand mépris des droits des personnes suspectés », a-t-elle regretté. Pour Esther Benbassa, cette « mesure est dénuée de toute réflexion sur les questions relatives à la santé publique » et aura pour « effet d’aggraver par une sanction pécuniaire une situation souvent déjà précaire ». La sénatrice de Paris a aussi pointé du doigt « l’inefficacité » de la forfaitisation, « compte tenu de l’impossibilité juridique d’appliquer une amende forfaitaire délictuelle pour les mineurs qui sont devenus des consommateurs réguliers et dont le nombre augmente sans cesse ». « Elle sera donc dénuée de tout effet de dissuasion de la consommation chez les plus jeunes », a-t-elle dénoncé.

 

 

La commission des lois a par ailleurs voté le recours à la procédure d’amende forfaitaire délictuelle pour tous les délits punis d’une peine d’amende, contre l’avis du gouvernement. « Cette proposition est un peu excessive car la catégorie des délits punis d’une peine d’amende recouvre des infractions très diverses pour lesquelles la procédure de forfaitisation n’est pas toujours souhaitable et n’est pas très simple à appliquer », a dit Nicole Belloubet, alors que la commission des lois l’a notamment étendue à la forfaitisation des faits d’outrages à une personne chargée d’une mission de service public ou pour des délits de dégradations légères. « Une telle extension va trop loin. La forfaitisation est adaptée aux délits dont la contestation est simple à opérer en pratique. Pour les autres infractions c’est plus compliqué car il faut recueillir des preuves et procéder à des contestations », a-t-elle déclaré. Pour la garde des Sceaux, « il serait plus judicieux d’attendre un retour d’expérience sur la forfaitisation de certains délits avant d’envisager une généralisation aussi importante ».