Réactions au Sénat après la présentation de la réforme constitutionnelle
Les sénateurs s’expriment après la présentation en Conseil des ministres du volet constitutionnel de la réforme des institutions.
François Patriat « ne considère pas qu’il y a un affaiblissement » du Parlement
Contrairement à plusieurs de ses collègues LR ou PS, le président du groupe LREM au Sénat « ne considère pas qu’il y a un affaiblissement » du Parlement à travers la réforme constitutionnelle présentée en début d’après-midi par Édouard Philippe et Nicole Belloubet. « J’ai le sentiment, à l’heure qu’il est, qu’il y a une volonté de la majorité du Sénat de faire opposition à cette réforme et d’y trouver chaque jour un motif nouveau », a déclaré François Patriat, dénonçant une « forme de duplicité » dans la position de Gérard Larcher.
« Est-ce que le gouvernement s’engage à faire des décrets d’application dans les mêmes délais ?» interroge Hervé Marseille
Hervé Marseille, président du groupe Union centriste au Sénat, réagit à la volonté du gouvernement de réduire les navettes entre les deux chambres : « Est-ce que le gouvernement s’engage à faire des décrets d’application dans les mêmes délais ? Parce que moi je veux bien qu’on fasse des textes plus vite, tout le monde est d’accord. Mais souvent il faut attendre un an avant d’avoir les décrets d’application ! »
« Le droit d’amendement, c’est comme l’air que l’on respire » explique Jean-Pierre Sueur
Vice-président PS de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur s’est montré opposé à toute restriction du droit d’amendement, arguant que pour un parlementaire : « C’est comme l’air que l’on respire ». « Il faut arrêter cette espèce d’intégrisme sur les amendements. Qu’on soit libre de présenter les amendements et puis après c’est le Parlement qui vote qui vote la loi. Si le Parlement estime que c’est hors sujet et bien il votera contre »
« C’est une régression démocratique » estime Jean-Yves Leconte
Jean-Yves Leconte, sénateur (PS) représentant les Français établis hors de France, estime que le projet de loi est « une régression démocratique ».
« C’est une progression de l’autoritarisme de l’exécutif. Ce n’est pas juste une régression des droits du Parlement, c’est une menace pour la démocratie » dénonce-t-il. Et d’ajouter : « Tout démocrate sait que le Parlement c’est l’endroit où se votent les lois. Ce n’est pas le Conseil des ministres. (…) Si l’exécutif considère que c’est une étape de trop pour diriger les affaires du pays, c’est une régression démocratique lourde. »
Jean-Yves Leconte explique que l’obstruction parlementaire est « très rare » : « Vouloir mettre au pas les parlementaires, les réduire, couper leurs liens avec la population. C’est vraiment inquiétant pour la démocratie » répète-t-il. Le sénateur socialiste considère également qu’ « il n’y a rien dans ce projet de loi sur l’évolution de la démocratie participative ».
Quant au renouvellement total du Sénat en 2021, Jean-Yves Leconte est catégorique : « Un Sénat qui est renouvelé d’un seul coup est un Sénat qui perd de sa substance parce qu’en fait il perd de sa capacité de continuité (…) C’est affaiblir le bicamérisme. »
Pascal Savoldelli : « Cette réforme est le fait du roi »
Le sénateur communiste du Val-de-Marne, Pascal Savoldelli voit d’un très mauvais œil le projet de loi constitutionnelle. « Avec tout le respect que j’ai pour le président de la République, cette réforme est le fait du roi. Il est inédit dans la Ve République qu’on ait une telle réduction du droit parlementaire » a-t-il considéré, reprenant ainsi l’analyse de Gérard Larcher.
Mais, pour l’élu communiste, « cette défiance » à l’égard du Parlement a une raison précise : « Cette réforme vient de l’exigence de la finance. C’est-à-dire que le Parlement, le travail à l’Assemblée nationale et au Sénat devient un obstacle pour libéraliser et marchandiser l’ensemble des activités humaines », tacle-t-il
Claude Malhuret pointe « un recul rapport à la réforme de 2008 »
Pour le président du groupe Les Indépendants-République et territoires, la réforme présentée détricote les avancées de la réforme constitutionnelle de 2008. « La fixation de l’ordre du jour partagé était une avancée considérable, on revient manifestement là-dessus », déplore-t-il.
Pour ce constructif au Sénat, la responsabilité de la révision est désormais dans le camp du Parlement. «Il ne me paraît pas pensable qu’on accepte un certain nombre de choses et on va donc faire des contre-propositions », annonce-t-il. « Je pense que ce dialogue peut déboucher. »
Le sénateur de l’Allier ajoute que certaines propositions, comme la maîtrise de l’ordre du jour, ne portent pas la marque d’Emmanuel Macron :
« Je ne suis pas sûr que ça vienne du président. Ca n’était pas dans sa campgne électorale. J’ai l’impression que ça vient de l’énorme majorité République en marche – société civile, dont la plus grande partie n’avait jamais mis les pieds au Parlement. Ils étaient chefs d’entreprise, professions libérales, et découvrent qu’au Parlement on parle. Grande découverte. »
Selon Esther Benbassa, le gouvernement se sert de « l’impopularité des élus » pour faire passer sa loi
Esther Benbassa, sénatrice écologiste de Paris, accuse le gouvernement de surfer sur le « désamour » du peuple pour les sénateurs : « On ne peut pas comme ça entrer dans le vif, et donner des armes à un Président pressé, en se servant de l’impopularité des élus auprès de la population. C’est une machine à cliver. Là il pense qu’il peut faire passer pas mal de choses, parce que nous souffrons du désamour du peuple à notre égard ».
« Ce n’est pas à la vitesse qu’on mesure la démocratie » rappelle-t-elle.