Radicalisation: quelles réponses ? (« Paris Normandie », 25 juillet 2017)

Même si le terme vient immédiatement aux lèvres lorsque l’on aborde cette thématique, on parle désormais moins de « déradicalisation » que de « désengagement » chez les acteurs de la lutte contre « l’embrigadement de masse », lequel entre non seulement dans le champ du religieux, mais aussi dans ceux de l’idéologie et du politique.

« Comme la plupart des experts, je ne pense pas que l’on puisse déprogrammer quelqu’un. Je pense qu’on peut mettre à distance, désaffilier ; on peut tenter de désengager mais je crois qu’il convient de garder des ambitions modestes », déclarait d’ailleurs Muriel Domenach, secrétaire générale du CIPDR (comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation), dernièrement à l’occasion d’un colloque organisé à Marseille par l’association Unismed.

Là, la responsable nationale annonçait que 13 000 personnes ont fait l’objet d’un signalement depuis la mise en place d’un numéro vert national (0 800 005 696), et que 20 000 autres ont bénéficié d’une formation, essentielle pour sensibiliser et faire comprendre ce qu’est la radicalisation, mais également ce qu’elle n’est pas. C’est-à-dire pas l’affichage de signes religieux, même « ostentatoires » ou supposés tels, mais le lien entre une idéologie extrême et un risque de basculement dans la violence. Dans ce domaine, la sphère religieuse n’a hélas aucun monopole, et l’on voit bien d’autres phénomènes auxquels il faut être, insiste Muriel Domenach, « extrêmement vigilants ».

2 600 jeunes signalés

Depuis la mise en place de ces dispositifs, dès 2014 mais avec une accentuation très nette aux lendemains des attentats de janvier 2015, 2 600 jeunes signalés pour radicalisation, et 800 familles ont été « accompagnés », en croisant « les logiques sociales et de sécurité » et en faisant travailler les services de l’État et des intervenants de la société civile. Aujourd’hui, assure-t-elle, même s’il reste des améliorations à appliquer et des cohérences à trouver en se gardant de toute tentation d’uniformisation – car la prévention repose sur la diversité des acteurs – « le temps des gourous autoproclamés de la déradicalisation est derrière nous ».

Le temps des expérimentations l’est aussi, on peut le supposer, après l’échec cinglant du centre de déradicalisation de Pontourny, en Indre-et-Loire, censé préfigurer l’ouverture de treize autres, ouvert en septembre 2016 et vide depuis février en laissant une ardoise de quelques millions d’euros…

Dans leur rapport d’information, présenté le 13 juillet dernier, les sénatrices Esther Benbassa (EELV) et Catherine Troendlé (LR), font d’ailleurs figurer la fin de cette expérimentation « mal engagée » et « sans résultat notable » en troisième position des dix propositions formulées. En tête de celles-ci, figure la nécessité de définir au niveau national un « cahier des charges » pour la sélection des organismes œuvrant en matière de prévention de la radicalisation, et la systématisation de l’évaluation du contenu des programmes financés « et réduire progressivement leur nombre, de sorte à opter pour la qualité plutôt que la quantité ».

Les deux sénatrices critiquent également la politique de regroupement de jeunes radicalisés au sein des établissements pénitentiaires, mais encouragent des dispositifs de placement « innovants » pour les mineurs. Selon elles, il s’agit aussi de « mettre l’accent sur l’individualisation, l’accompagnement sur mesure », et de « ménager un équilibre entre l’intervention sociale et les exigences de sécurité ».

Dans leur conclusion, les rapporteures rappellent que si la typologie des terroristes présente « une grande diversité », on ne peut pas nier que « la majorité est issue de milieux défavorisés, y compris les convertis à l’islam, et nombre d’entre eux sont passés par la case délinquance ». « Le plus souvent, ce sont des jeunes vulnérables, sans métier, laissés pour compte, qui s’embrigadent dans l’idéologie de Daesh, qui leur paraît forte et structurée », notent-elles. Mais si elles leur refusent le statut de « victimes » comme on pourrait l’accorder aux membres d’une secte, soulignant le caractère « volontaire » de leur adhésion, les sénatrices estiment que « la multiplicité des raisons de l’embrigadement et de l’endoctrinement » fait que les « remèdes » à la sortie de la radicalisation « requièrent des réponses multiples ne se fondant pas uniquement sur une approche répressive ». Elles lui associent « soutien, accompagnement et conseils», et donnent la priorité à la réinsertion.

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