Droit de vote des étrangers, un référendum? Question d’actualité au gouvernement du 21 février 2013

A l’occasion de la séance des questions d’actualité au Gouvernement, Esther Benbassa s’est adressée, jeudi 21 février, à M. Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur sur la question du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales. Voici le texte de mon intervention.

« Monsieur le Président, cherEs collègues, ma question s’adresse à M. le Ministre de l’Intérieur.

En décembre 2011, nous débattions ici même d’une proposition de loi visant à accorder aux étrangers non-communautaires le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales. J’en étais la rapporteure, sénatrice novice, et d’autant plus émue. Le Sénat, lui, venait de changer de majorité. Et cette PPL, nous l’avons alors votée dans un rare moment de communion républicaine, après la longue décennie d’attente qui nous séparait de son adoption par l’Assemblée nationale, en mai 2000.

François Hollande élu président, nous avons espéré que sans tarder justice serait enfin rendue à ces hommes et à ces femmes qui vivent dans les mêmes quartiers que nous, envoient leurs enfants dans les mêmes écoles, paient leurs impôts, et contribuent depuis des décennies à l’économie nationale. Ils ont gardé nos enfants, nettoyé nos domiciles et nos bureaux, travaillé dans nos usines, construit nos maisons, nos routes et nos ponts, et j’en passe. Ils n’ont pas fait moins pour la France que les étrangers communautaires, qui eux jouissent de ce droit de vote et d’éligibilité du simple fait d’être européens.

Disons-le clairement : si nos concitoyens communautaires partagent bien notre projet européen commun, les étrangers non-communautaires, issus dans leur majorité de nos anciennes colonies, ne sont pas moins parties prenantes d’une histoire qui nous est commune, à eux comme à nous.

L’octroi d’un tel droit ne menacera pas notre souveraineté, il ne ruinera pas les fondements de notre citoyenneté. Notre pays a autant besoin de ses citoyens-résidents que de ses nationaux.

Monsieur le Ministre, nous savons que la tâche est complexe. Qu’il faudra obtenir l’accord de 3/5e du Congrès pour que la révision constitutionnelle requise soit adoptée. N’oublions pas pourtant que plus d’un ténor de l’ancienne majorité s’était prononcé, dans le passé, pour un tel changement. Cette bataille n’est pas une bataille entre la gauche et la droite. Son enjeu est autre, et supérieur : une certaine conception de la démocratie. Une même aspiration peut tous nous réunir : celle de faire de notre pays un exemple d’ouverture aux étrangers qui respectent la légalité républicaine et qui ont le souci aussi bien de sa prospérité que de sa sécurité.

Monsieur le Ministre, les promesses de M. Hollande nous engagent, nous ne pouvons pas reculer sur celle-ci, non plus que sur les autres, nous n’avons pas le droit de décevoir. Si nous ne parvenons pas à convaincre 3/5e des parlementaires de nous rejoindre, pourquoi alors ne pas envisager, sérieusement, avec courage, et avec toute la force de conviction dont nous sommes capables, la possibilité d’un référendum? Voici la question que se posent nombre de nos concitoyens, militants associatifs en tête, et qu’à mon tour je vous pose aujourd’hui. »

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