Question écrite n° 15149 de Mme Esther Benbassa (Paris – CRCE-R)
publiée dans le JO Sénat du 09/04/2020 – page 1659
Mme Esther Benbassa attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la situation des personnes migrantes retenues dans les centres de rétention administrative (CRA) du territoire français.
Par une ordonnance n° 439720 du 27 mars 2020, le Conseil d’État a rejeté la demande des organisations professionnelles et associations exerçant dans les CRA, de fermeture par l’administration des centres pour le temps de l’épidémie de Covid-19.
Une telle décision est incompréhensible et met en grave danger la vie de nombreux retenus ainsi que celle du personnel des CRA.
Certains centres sont certes vides, suite aux décisions des instances d’appel, mais ce n’est pas le cas de tous : au 18 mars 2020, 900 étrangers étaient encore retenus en France. Le 28 mars 2020, au CRA de Oissel, près de Rouen, ils étaient 15.
La situation sanitaire des CRA, où le ménage n’est plus fait régulièrement, où le respect des gestes barrières à deux par chambre peut se révéler compliqué, où les retenus – comme l’ensemble des Français – n’ont pas accès à des masques, à des tests ou a du gel hydroalcoolique, font des centres de rétention administrative des lieux extrêmement propices à la propagation des virus.
Comme ont pu le rappeler la contrôleure générale des lieux de privation de liberté et le Défenseur des droits, dans une tribune en date du 23 mars 2020, au regard de la loi, « une personne étrangère, n’ayant commis aucune infraction, ne peut être retenue qu’en vue d’une expulsion ». Or, depuis quelques jours, les expulsions ne sont plus envisageables. Face à la crise sanitaire mondiale provoquée par le Covid-19, les retours dans les pays d’origine représentent trop de risques de propagation du virus. La plupart des lignes aériennes ont d’ailleurs été suspendues. Le maintien ouvert des CRA est donc une situation d’enfermement abusive.
La rétention des étrangers n’est pas seulement une prise de risque sanitaire, c’est aussi une privation illégale de liberté.
Ainsi, elle lui demande, comme l’a fait le Portugal la semaine dernière, et comme l’a demandé la Cour européenne des droits de l’homme, le temps de la pandémie, de permettre la fermeture des centres de rétention administrative, de régulariser provisoirement toutes les personnes migrantes sur notre territoire et enfin, le cas échéant, de mettre en place les conditions du relogement des retenus se trouvant actuellement en CRA.
En attente de réponse du Ministère de l’intérieur