Question écrite n° 15354 de Mme Esther Benbassa (Paris – CRCE-R) publiée dans le JO Sénat du 16/04/2020 – page 1768
Mme Esther Benbassa attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur les abus qui sont perpétrés par les forces de police, dans le cadre des contrôles ayant trait au respect du confinement.
Depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid-19 jusqu’au 8 avril 2020, 500 000 contraventions ont été dressées, pour 8,5 millions de contrôles.
Il a été donné pour consigne aux forces de l’ordre d’appliquer avec discernement les règles édictées par le ministère de l’intérieur. Pourtant, les témoignages relatent des abus qui se multiplient.
Deux problèmes majeurs sont soulevés.
La quarantaine crée déjà un climat délétère. Tant nos policiers que nos concitoyens ont les nerfs à vif. Dans ce cadre de tension généralisée, il semble que les forces de police aient recours fréquemment à des méthodes de contrôle qui outrepassent leur champ d’action. Ainsi, des violences policières ont été rapportées. Un décès est même à déplorer, à Béziers, où un sans domicile fixe de 33 ans a été battu à mort par des policiers municipaux. Il est inadmissible qu’une personne trépasse en raison de sa pauvreté et de sa vulnérabilité sociale. L’état d’urgence sanitaire ne justifie pas tout et ne saurait nullement affaiblir l’État de droit. Même en ces temps de crise, l’usage de la force par les autorités devrait rester mesuré et adapté. En ce sens, la ligue des droits de l’homme et le syndicat des avocats de France ont appelé le directeur général de la police nationale à veiller au respect du « cadre strictement légal, sans discrimination et sans recourir à des techniques dangereuses potentiellement mortelles contre les personnes ».
Il est ensuite rapporté que les policiers dressent des procès-verbaux au motif que certains achats ne relèvent pas de « produits vitaux ». Des femmes ont notamment été verbalisées pendant leurs menstruations, lorsqu’elles sortaient acheter des serviettes hygiéniques. Il en a été de même pour un autiste asperger de Fresnes-sur-Marne (Seine-et-Marne), qui a été sanctionné après avoir fait ses courses, car il était dans l’incapacité de justifier de l’utilité de ses achats. Or, il n’existe pas pour l’heure de définition sur ce qu’est un produit de première nécessité. Un policier n’a donc pas pour mission de juger de l’utilité de ce que consomment nos concitoyens, lorsque ceux-ci disposent d’une attestation en règle. Plus que des faits divers, ces faits révèlent des exactions exagérées de la part des forces de l’ordre, qui s’octroient des prérogatives qui ne leurs appartiennent pas. De tels abus risquent d’engendrer de nombreuses contestations de Français ayant injustement écopé d’une amende. Nos instances judiciaires fonctionnent déjà au ralenti en raison de la pandémie et ne sauraient être engorgées par ces malheureux litiges.
Ainsi, afin de protéger les Français des violences policières et d’amendes contestables en justice, elle lui demande s’il prévoit l’édiction d’un décret déterminant quels produits doivent être considérés comme « vitaux ». Une telle précision pourrait être utile tant pour nos forces de l’ordre dans l’exercice de leur fonction que pour nos concitoyens dans le cadre de leurs déplacements et de leurs achats.
En attente de réponse du Ministère de l’intérieur