Question au gouvernement
Jeudi 12 février 2015
Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV
Monsieur le Président, cherEs collègues, ma question s’adresse à Monsieur le Premier Ministre.
Les événements dramatiques du début de cette année ont remis au cœur du débat public deux questions liées : celle d’une réorganisation de l’islam de France, et celle de la formation du personnel de ce culte.
Le Président de la République a récemment reconnu que le Conseil français du culte musulman « n’a pas la capacité suffisante de faire prévaloir un certain nombre de règles, de principes, partout sur le territoire. » Le CFCM, fondé en 2003, était destiné à représenter les musulmans en France. Dès 2005, Soheib Bencheikh, alors mufti de Marseille, jugeait qu’il s’était transformé « en un enjeu de pouvoir où l’on discute de tout, sauf de spiritualité musulmane. » Dix ans après, M’hammed Henniche, secrétaire général de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, fait un diagnostic plus sévère : « Le CFCM, honnêtement, il faut l’oublier. » Les fédérations représentées au bureau ne seraient selon lui que « les relais de consulats ou d’une idéologie étrangère. »
La question de la formation des imams et des aumôniers est l’autre face du même problème. En 2014, notre pays comptait 2000 lieux de culte, mais seulement 600 à 800 imams salariés, dont 300 n’ayant pas la nationalité française, ne parlant pas le français, et rémunérés par les pays qui les envoient. Or seuls des imams dûment formés pourront faire barrage aux dérives que nous déplorons. Face à Internet et aux prédicateurs autoproclamés, ils doivent pouvoir dispenser une prédication de qualité, en français, accessible aux jeunes.
La création d’un établissement supérieur de théologie musulmane me semble une urgence. L’Université de Strasbourg, par exemple, abrite des facultés de théologie catholique et protestante intégrées au système universitaire français et répondant à ses critères de rigueur et de compétence. Pourquoi ne pas imaginer une solution de ce genre pour l’islam et la formation de ses imams ? La question d’un financement par l’État comme par les collectivités territoriales d’un tel établissement peut être tranchée dans le cadre des dispositions existantes et sans déroger au principe de laïcité.
Il y a dix ans, déjà, feu Bruno Étienne, islamologue, avait cette formule pour évoquer la question de la formation des imams : « C’est l’Arlésienne. »
Monsieur le Premier Ministre, quelles avancées concrètes le gouvernement envisage-t-il enfin en ce domaine ? Une réflexion, orientée vers l’action, associant représentants du culte musulman, ministères concernés et parlementaires n’est-elle pas urgente ?