Nous poursuivons le suivi des débats au Parlement sur le projet de loi concernant les « mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi » (qu’un amendement, rejeté, proposait de modifier en « Modulation et réduction des droits à l’assurance chômage« ) en abordant la séance plénière du Sénat du 25 octobre 2022
La commission des affaires sociales avait revu le texte (voir La commission des affaires sociales du Sénat redonne leur rôle aux partenaires sociaux pour le futur de l’assurance chômage, Deux rapports demandés par le Parlement sur la conformité des offres d’emploi et l’offre raisonnable d’emploi et Quelques points du débat en commission au Sénat sur la loi permettant à l’État de réduire, à nouveau, les droits à l’assurance-chômage) pour rétablir un peu de paritarisme et renforcer les contraintes en instaurant en particulier la privation du droit à indemnisation chômage en cas de refus de CDI suite à un CDD
En introduction, la rapporteure Frédérique Puissat, sénatrice LR de l’Isère
assène que ce texte semble « signer l’échec de la réforme de la gouvernance de l’assurance chômage issue de la loi de 2018 : alors que les règles d’indemnisation du chômage fixées par le « décret de carence » du 26 juillet 2019 cesseront d’être applicables à compter du 1er novembre 2022, aucun processus de négociation, assorti d’un document de cadrage, n’a été engagé pour définir de nouvelles règles. »
Après le refus de la rituelle question préalable le débat s’ouvre sur le fond
Laurence Cohen, sénatrice communiste du Val de Marne
Nous dénonçons la philosophie de ce projet de loi : les chômeuses et les chômeurs ne voudraient pas traverser la rue pour trouver un emploi. Un tiers d’entre eux ne font pas valoir leurs droits, mais vous les considérez comme des fainéants et des profiteurs… Pourtant, le chômage est source de souffrance, de mal-être et de perte de confiance en soi.
Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur centriste du Pas-de-Calais
Nous connaissons tous près de chez nous un patron qui embauche, mais ne trouve pas de personnel. Nous entendons tous les cancans contre le beau-frère de la copine du voisin, qui profite du chômage ou du RSA et gagne plus que ceux qui travaillent. Ces faits existent, sans doute. Mais pensez-vous que la vendeuse de chez Camaïeu qui perd son travail pourra, demain, être serveuse chez Raoul, le restoroute ? C’est une question de profil bien sûr, de salaire peut-être, mais aussi de conditions de travail, de transport et de garde d’enfants.
Maryse Carrère, sénatrice RDSE des Hautes-Pyrénées
Je salue le travail des maisons de l’emploi, dispositif d’insertion professionnelle parmi les plus efficaces. Nous espérons qu’elles seront financées dans le projet de loi de finances pour 2023.
Pascale Gruny, sénatrice LR de l’Aisne
le Gouvernement pourra définir les nouvelles règles de l’assurance chômage par décret, sans limites même indirectes. Ce blanc-seing demandé aux parlementaires reflète l’ascendant pris par l’État sur la gestion de l’assurance chômage. Le paritarisme continue ainsi de reculer
Faute d’étude d’impact, nous doutons cependant de la faisabilité de cette modulation. Quels seront les indicateurs retenus, la fréquence des réévaluations ? Pouvons-nous appliquer les mêmes règles dans ma région des Hauts-de-France, durement touchée, et ailleurs ? D’un territoire à l’autre, le taux de chômage peut varier du simple au double. Il serait préférable de faire l’analyse par bassin d’emploi, voire, dans certaines villes, par quartier.
Raymonde Poncet Monge, sénatrice écologiste du Rhône
En réalité, seules 5 à 6 % des offres d’emploi ne sont pas pourvues. Dans la plupart des cas, au reste, des candidatures se sont manifestées, rejetées par l’employeur. Et les trois quarts des recruteurs admettent que les conditions de travail associées à ces offres peuvent être décourageantes…
Monique Lubin, sénatrice PS des Landes
Nous nous émouvons souvent de l’insuffisance des études d’impact sur les textes gouvernementaux et de l’accumulation de réformes ignorant le travail parlementaire autant que le nécessaire temps d’évaluation.
Ce projet de loi ne fait pas exception. Il reflète les idées hâtives que, malheureusement, le Gouvernement et la droite sénatoriale ont en partage : les demandeurs d’emploi devraient être plus violemment incités à reprendre le travail, car l’assurance chômage, trop favorable, les inciterait à s’enfoncer dans la paresse et la fraude.
Yan Chantrel, sénateur PS des français de l’Étranger
Il y a un problème de méthode, qui en dit long sur la pratique politique du Gouvernement. Vous détricotez l’assurance chômage en disant vous inspirer du Canada, mais vous n’avez consulté personne dans ce pays, ni le Gouvernement ni les syndicats – pour ces derniers, je ne vous jetterai pas la pierre, vous ne le faites pas en France non plus…
Je suis justement de retour d’un déplacement au Canada, où j’ai pu échanger avec les personnes directement concernées. Elles font état d’une précarisation accrue et m’ont remis un livre sur le mouvement Action chômage de Montréal. Je vous le remettrai. Il montre les conséquences des politiques néolibérales.
Esther Benbassa, sénatrice non inscrite de Paris
Selon Pôle emploi, 92 % des demandeurs cherchent activement un travail et un quart ne font pas valoir leurs droits à l’indemnisation. Nous voulons des possibilités pratiques, non des constatations théoriques
Le Sénat a confirmé le texte adopté en commission, refusant de nouveaux durcissements demandés par un certain nombre de députés LR proposant la suppression des indemnités dès le refus de la première offre raisonnable de l’emploi Frédérique Puissat faisant remarquer que « En 2016, les refus d’offres raisonnables d’emploi ne représentaient que 0,02 % des motifs de radiation » et de ne pas accorder d’indemnités dès le refus du premier CDI faisant suite à un CDD.