Quand la sénatrice Esther Benbassa s’oppose à la pénalisation des clients des prostituées (TV5 Monde, L’oeil de la Rédaction, 14 juillet 2014)

Contrairement au mouvement qui s’amorce au Canada, par exemple, pour suivre l’exemple suédois, la commission spéciale du Sénat français a adopté mardi 8 juillet 2014 la proposition de loi renforçant la lutte contre la prostitution mais a supprimé l’un des piliers du texte, la pénalisation des clients, convaincus par la sénatrice Esther Benbassa Europe Ecologie – Les Verts (EELV), l’une des plus opposées à la mesure, membre de la Commission. Elle explique pourquoi sur le plateau de TV5MONDE, face à la féministe Pauline Arrighi.

Lors d’une manifestation de prostituées à Paris – AFP
Sylvie Braibant, avec AFP
Mesure phare de la proposition de loi sur la prostitution, la pénalisation des clients a donc été supprimée par la commission spéciale du Sénat le 8 juillet 2014, qui a considéré qu’elle serait inefficace pour lutter contre les réseaux mais précariserait davantage les prostituées.Au terme d’un intense débat, les 37 membres de cette commission ont voté la suppression de cette disposition, qui prévoyait de punir les clients, également appelés les « prostituteurs », pour l’achat d’actes sexuels d’une contravention de 1.500 euros, par 16 voix (contre 12 favorables et 2 abstentions). « Nous avons mis en avant la précarisation des prostituées que la pénalisation entraînerait forcément, avec des clients plus rares qui pourraient imposer leurs désirs et des prostituées obligées de se cacher« . Le stage de sensibilisation pour les clients interpellés a également été supprimé. La pénalisation des clients peut cependant revenir par un amendement en séance au Sénat.

La Suède, modèle pour les un-e-s, repoussoir pour les autres
Lors de son audition devant la commission, la ministre de la Justice Christiane Taubira avait cependant souligné qu’il ne fallait pas sous-estimer les inquiétudes des associations, qui craignaient de voir les prostituées se retirer dans des lieux plus cachés en cas de pénalisation des clients.Les incidents se multiplient en France, en dépit des législations successives, comme celle qui avait interdit le racolage sur la voie publique, un délit aboli sous la houlette, déjà, de Esther Benbassa. Depuis le 7 juillet, sous la pression des habitants, la mairie de Toulouse a interdit la prostitution dans les quartiers où elle est la plus présente.

La sénatrice Esther Benbassa du groupe Europe Ecologie les Verts qui a beaucoup bataillé pour obtenir l’abandon de la pénalisation des clients, au motif qu’elle entrainerait plus de précarisation du côté des prostitués, que la morale ne devait pas être source de loi et que le modèle suédois ne marchait pas, se félicite sur son compte twitter de l’option choisie par les sénateurs. Mais en Suède de nombreuses voix estiment pourtant que l’option choisie a été bénéfique.

L’idée de sanctionner le recours à une prostituée avait déjà fait l’objet de vifs débats lorsque le texte avait été adopté en décembre par l’Assemblée. Dans un « manifeste des 343 salauds », des personnalités comme Frédéric Beigbeder ou Basile de Koch avaient défendu leur droit à recourir à une prostituée. Mais ce prétendu consentement mutuel entre prostituées et clients fait fi d’une relation de dominant à dominé-e qui s’exprime dans ces paroles de prostitueurs recueillies par la chercheure Lise Bouvet, où l’on mesure aussi la chosification de l’immense majorité de ces femmes contraintes de se vendre.

La protection des prostituées à géométrie variable

Selon les abolitionnistes ou les réglementaristes

13.07.2014 – Durée : 9’17Débat mené pour le 64′ par Estelle MartinL’une loue le système suédois, l’autre le condamne. Dans le 64′, la militante Pauline Arrighi, de l’association Osez le féminisme, favorable à la pénalisation des prostituées se heurte à la sénatrice Esther Benbassa. Pour les féministes la commission « entérine le fait que les clients prostitueurs ne sont pas responsables, avec une décison incohérente qui reconnaît la violence du système prostitutionnel tout en refusant de punir les moteurs de ce système ».  « Il y a une hypocrisie, rétorque Esther Benbassa, à autoriser la prostitution et à punir les clients. Faire cela c’est diminuer les protections des prostituées.«