par Ariane Hermelin,
La pénalisation des clients, mesure très controversée figurant dans la loi sur la prostitution présentée à l’automne dernier, a été rejetée par le Sénat lors de l’examen à huis clos du texte en commission spéciale mardi 8 juillet. Pour Esther Benbassa, sénatrice EELV, qui n’a jamais caché son opposition à ce qu’elle qualifie de « croisade contre les clients », la loi « va être reportée aux calendes grecques car le gouvernement a peur de créer la polémique ». Explications.
Mesure-phare de la loi dite de « lutte contre le système prostitutionnel » votée au mois de décembre dernier, la pénalisation du client a été retoquée par le Sénat mardi 8 juillet. Les sénateurs ont en effet voté sa suppression par 16 voix contre 12. Le reste du texte a, lui, été adopté par les parlementaires.
La pénalisation, un des « piliers » de la proposition de loi
Défendue par les tenants du courant abolitionniste, la pénalisation du client est considérée, par ces derniers, comme essentielle dans la lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite humaine. La suppression de cette mesure soutenue par la ministre des Droits des femmesNajat Vallaud-Belkacem est un camouflet pour l’auteure de la proposition de loi, la députée PS Maud Olivier, qui avait déjà dû renoncer à la peine de prison avec sursis pour les clients, remplacée par une amende. Dans un communiqué officiel publié mardi soir, celle-ci déplore le vote du Sénat et appelle les parlementaires et le gouvernement à « rétablir » ce qui constitue l’un des « piliers » de la proposition de loi et demande son inscription à l’ordre du jour.
Contactée par Terrafemina, Esther Benbassa se dit certes « contente » que l’article 16 ait été supprimé mais s’inquiète que l’application d’autres articles de la loi plus satisfaisants soit retardée. Et la sénatrice de rappeler que les associations et les médecins n’ont jamais caché leur opposition à la pénalisation, qui entraînerait selon eux une précarisation des prostituées, obligées de se cacher ou de passer par des intermédiaires pour éviter à leurs clients d’être verbalisés. « Les arguments au sujet des conséquences de la pénalisation des clients sur la sécurité et la santé des prostituées ont primé », se félicite-t-elle.
« Une loi mal fagotée et moralisatrice »
Si Esther Benbassa se réjouit que le Sénat ait par ailleurs enrichi le volet concernant l’aide aux prostituées, elle ne se fait pas d’illusions au sujet des chances qu’a la loi d’aboutir. Et ceci, alors que le parcours parlementaire du texte est loin d’être achevé. « C’est une loi mal fagotée et moralisatrice », assène-t-elle.
Quid du délit de racolage passif, dont la loi prévoit l’abrogation ? Pour la sénatrice, il risque fort d’être maintenu. « C’était une carotte », déclare-t-elle sans ambages. La loi propose en effet d’inverser la charge pénale en instituant une peine d’amende pour les clients des prostitués s’élevant à 1500 euros. « La suppression de la pénalisation du client pourrait donc bien aboutir à un statu quo », regrette Esther Benbassa.
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