Par la Rédaction.
» Une sénatrice EELV, Esther Benbassa, jette un pavé dans la mare du gouvernement Ayrault en proposant l’abrogation du délit de « racolage passif » instauré en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.
Que dit la loi actuelle ?
« Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ». Instauré en 2003 par Nicolas Sarkozy, le « racolage passif », très contesté chez les prostituées, devrait être abrogé jeudi par le Sénat, où la gauche est majoritaire. Avant 2003, le « racolage passif » était puni d’une simple contravention. Depuis, l’acte est passible d’une peine de deux mois de prison et également d’une amende pouvant aller jusqu’à 3.750 euros.
Pourquoi ça n’a pas marché ?
La sénatrice (EELV) Esther Benbassa, également en première ligne pour une nouvelle loi sur le cannabis, justifie, dans la tribune qu’elle tient sur le site du Huffington Post, cette volonté d’abroger cette loi, qui, selon elle, n’a pas eu l’effet escompté, c’est à dire le « démantelement » des réseaux de prostitution. « Elle a bien plutôt aggravé la relégation et l’isolement des personnes prostituées en raison de la clandestinité qu’elle a induite », affirme la sénatrice écolo. Chiffres à l’appui : pour près de 5.000 procédures en 2004 à moins de 2.500 en 2011.
Surtout, la crainte d’être arrêté a conduit de nombreuses prostituées à s’éloigner des centres urbains, aggravant leur situation sanitaire et sociale et les exposant à un risque accru de violences. « En 2012, à Paris, sur 1.600 interpellations, environ 800 personnes seulement sont déférées et seules 320 ont été vues par la brigade de répression du proxénétisme » a-t-elle précisé. »L’institution du délit de racolage n’a fait que fragiliser davantage des prostituées déjà vivement stigmatisées », a insisté Esther Benbassa.
Le PS et le gouvernement dans l’embarras ?
La proposition de Esther Benbassa pourrait provoquer l’embarras du gouvernement, où Najat Vallaud-Belkacem, ministre du Droit des femmes et porte-parole du gouvernement, a fait de la disparation de la prostitution une priorité. Ce que ne favorise pas cette abrogation du délit de « racolage passif », pourtant une promesse du président Hollande pendant la campagne 2012.
Le parcours du texte a été chaotique avant son examen en séance, illustrant le malaise au sein du PS sur la prostitution, entre « abolitionnistes » partisans de la suppression de la prostitution et de la pénalisation des clients et d’autres qui considèrent qu’il est vain de lutter contre la prostitution, et prônent plutôt la protection des prostituées .
Esther Benbassa avait par exemple retiré une première fois son texte déposé en novembre 2012 sur le bureau du Sénat à la demande du gouvernement qui souhaitait mettre en chantier un projet de loi global sur la prostitution. Ne voyant rien venir elle a redéposé son texte avec l’accord du gouvernement. Lors de son examen préalable en commission le PS et le gouvernement appuient sa PPL. Mais lundi, coup de théâtre : le sénateur PS Philippe Kaltenbach dépose au nom de son groupe une motion de renvoi en commission qui si elle était adoptée revient à un enterrement du texte.
Un feu vert donné à la prostitution ?
Un collectif d’associations de soutien aux prostituées, « Abolition 2012 » protestait en parallèle contre une abrogation « précipitée » du délit de racolage réclamant « une politique globale et abolitionniste ». « Il existe un débat au sein du groupe socialiste sur ce texte, il n’a pas encore été tranché » argue le sénateur expliquant qu’il ne faudrait pas que ce texte soit interprété comme un feu vert donné à la prostitution.
Mardi, lors de sa réunion hebdomadaire, le groupe décide de continuer à soutenir la PPL écologiste et de retirer sa motion.Tempête dans un verre d’eau », a déploré le président PS de la commission des Lois Jean-Pierre Sueur. Le débat risque néanmoins de rebondir jeudi en séance autour des amendements de la sénatrice centriste et ancienne ministre Chantal Jouanno prévoyant notamment la pénalisation des clients des prostituées. La ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem a promis un texte global d’ici à l’automne.
Vers une pénalisation des clients ?
Najat Vallaud-Belkacemn, qui considère la prostitution comme « une violence faite aux femmes » envisage bien de pénaliser les clients de prostituées. Récemment, la porte-parole du gouvernement s’est rendue en Suède, premier pays qui pénalise les clients. Premier pays à interdire la prostitution dans la loi Kvinnofrid, la Suède a voté dès 1998 une loi qui criminalise les clients de prostituées.
Entrée en vigueur en 1999, elle interdit “l’achat de services sexuels” à travers la criminalisation des “consommateurs“. Les prostituées ont ainsi acquis le statut de victime, et le client celui de délinquant, pouvant encourir une amende et jusqu’à six mois d’emprisonnement. En 1996, seulement un tiers de la population se déclarait favorable à la pénalisation des clients. En 2008, soit près de 10 ans après l’adoption de la loi, ils sont plus de deux tiers. Une augmentation qui peut s’expliquer par la baisse conséquente de la prostitution “de rue”. »
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