« Le Sénat, à droite depuis septembre, a sensiblement modifié et adopté par 165 voix pour et 44 contre le texte des députés socialistes, voté en décembre 2013 à l’Assemblée nationale. Le texte prévoyait initialement d’abroger le délit de racolage instauré par Nicolas Sarkozy et d’instaurer en contrepartie la pénalisation des clients. La commission spéciale du Sénat a fait tout l’inverse lundi soir en réintégrant le délit de racolage, pourtant fortement décrié par les associations sur le terrain, et en rejetant la sanction des clients. Pour la sénatrice écologiste Esther Benbassa, « ce tour de passe-passe ne fait que contourner le problème, sans le résoudre ». Entretien.
Le Point.fr : Vous qui militez depuis des années contre le délit de racolage et la pénalisation des clients, que vous inspirent les modifications du projet de loi votées hier par le Sénat ?
Esther Benbassa : Je pense que ce texte est très mal ficelé. Le problème n’est pas de faire de l’idéologie ou de la morale, mais, comme le dit Robert Badinter, de « s’attaquer au mal organisé », à ces réseaux de proxénètes qui mettent des jeunes femmes en danger. Or, conserver le délit de racolage, c’est fragiliser encore davantage les prostituées. C’est bien simple, depuis que Nicolas Sarkozy l’a rétabli, le nombre de proxénètes jugés n’a pas augmenté. Non seulement la méthode n’a pas fait ses preuves, mais elle est terrible pour les prostituées. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe à l’étranger. La revue scientifique The Lancet constate dans son numéro de janvier 2015 que ces lois qui pénalisent augmentent considérablement la précarité des prostituées dans les pays concernés. C’est le cas en Suède, par exemple, où la prostitution de rue a en effet baissé mais où la prostitution « de chambre », qui passe aujourd’hui principalement par Internet, est passée de 700 à 6 000. En France, les prostituées dites « traditionnelles » ont un certain âge et n’utilisent pas Internet. Les filles de l’Est, quant à elles, seront emmenées dans d’autres pays. Exactement comme celles qui pratiquaient en Suède sont passées au Danemark. On contourne donc le problème, sans le résoudre. » […]
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