Proposition de loi renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention

Intervention en hémicycle au Sénat. Tout est à repenser en matière de réinsertion. Nous avons beaucoup à apprendre des expériences étrangères.

Ci-dessous le texte de l’intervention :

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Rapporteur,

Mes cherEs collègues,

La sécurité des Français et l’intégrité du territoire national sont des préoccupations communes à tous les membres de cette Haute assemblée, puis-je affirmer sans grande crainte. 

Mais il nous semble, étant donné ce que nous savons de la radicalisation, quel’approche de ce texte de la prise en charge des personnes condamnées pour terrorisme est bien réductrice.

Si l’on devait la résumer : il s’agit de toujours plus de répressif judiciaire et pas assez de réflexion quant aux causes des problèmes que l’on entend traiter.

En effet, le premier écueil de cette PPL est d’ignorer la situation des prisonniers de droit commun qui se radicalisent lors de leur détention. Il convient d’objectiver le phénomène de radicalisation en prison et de mettre en œuvre un programme de réinsertion adapté à ce type d’individus, pour qu’ils ne se retrouvent pas sans aucun accompagnement à la fin de la détention. 

Ensuite, cette PPL ne pousse pas plus loin la réflexion sur les pratiques socio-judiciaires en matière de réintégration en milieu ouvert ou semi-ouvert des personnes radicalisées ; se contentant de mettre en place des dispositifs judiciaires de suivi de ces personnes.

C’est alors tout un système de suivi des radicalisés qu’il nous faut peut-être revoir. Aujourd’hui, la stratégie de la France est celle du désembrigadement. Celle-ci implique des modifications du système de croyance amenant à rejeter l’idéologie extrémiste au profit de nouvelles valeurs. Mais elle est réductrice, notamment car il s’agit, encore une fois, d’une approche confrontationnelle qui porte difficilement ses fruits. 

Peut-être devrions-nous envisager de faire évoluer la conception de la prise en charge de ces personnes, en France, vers la notion de désengagement, qui, elle, s’inscrit dans la perspective d’un renoncement à la violence. 

Le Danemark a été un précurseur en la matière. Dès 2007 il a employé une méthode basée sur le tutorat et l’accompagnement pour faire face à la radicalisation. En France, il y a eu RIVE, une expérience inédite pour tenter de gérer la réinsertion des personnes radicalisées et leur suivi sous le contrôle des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Celle-ci a été discontinuée pour laisser place à Artémis, dont le dirigeant est un proche du chef de l’État. Nous n’avons, pour l’heure, aucun retour d’expérience sur Artemis.

Comment les individus sortis de prison perçoivent-ils leur propre réintégration ? Quelle est l’importance de l’implication des familles, des proches et des communautés dans la réintégration ? Comment les professionnels du travail social, de la justice et de la police adaptent-ils leurs outils et leurs pratiques à l’hétérogénéité des trajectoires et des besoins ?

Malheureusement, peu de travaux portant, à l’heure actuelle, sur la situation française, permettent de croiser ces différentes dimensions dans l’analyse du processus de réintégration. Or, il s’agit bien là d’un enjeu social et scientifique majeurs.

Pour reprendre les chiffres de l’exposé des motifs de ce texte, près de 500 détenus condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme islamo-djihadiste feront l’objet d’une sortie de détention, dans les prochaines années. Dans ce contexte, je le redis, n’envisager ce suivi que d’une manière coercitive, avec uniquement des outils de contrôle judiciaire classique, n’est pas envisageable.

Ce texte est donc une occasion manquée de faire évoluer la stratégie de suivi des condamnés pour terrorisme à la sortie de détention et le Groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre.

Je vous remercie.

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI