Proposition de loi relative aux juridictions de proximité

Le 23 novembre 2012, le Sénat a adopté cette proposition de loi qui a « pour objet, dans l’intérêt du bon fonctionnement de la justice, de modifier l’article 70 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles ».

Voici le texte de mon intervention lors de la discussion générale du texte :

 

 » Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes ChèrEs collègues,

 

En 1790, l’assemblée constituante, prenant en compte le besoin de proximité des citoyens avec la justice, instaurait les juges de paix, symboles d’une justice rapide, accessible, gratuite et équitable. Ils avaient pour ressort territorial le canton et pour principale mission de régler les petits litiges de la vie quotidienne dans une démarche conciliatrice.

Les juges de paix ont été supprimés par l’ordonnance  no 58-1273 de décembre 1958 et remplacés par les tribunaux d’instance, juridiction d’exception dont le ressort, plus vaste, est fixé par décret. Cette extension de la taille des ressorts, associée à la professionnalisation du juge et à l’accroissement des compétences dévolues par le législateur, a fait perdre à cette juridiction le caractère de proximité qui avait assuré le succès du bon vieux « juge cantonal ».

Or cette judiciarisation de la société n’a pas tout résolu et certainement pas le problème de l’égalité des citoyens devant l’accès au droit. Et c’est ce souci, ancien, et maintes fois réaffirmé, de rapprocher les citoyens de leur justice, qui a poussé le législateur à créer, en septembre 2002, les juridictions de proximité, juridictions des petits litiges du quotidien.

Il s’agit de juridictions indépendantes, installées dans les locaux du tribunal d’instance et dont les compétences ont été remaniées par deux fois en 2003 et 2005.

Le juge de proximité, qui statue à juge unique, exerce ses compétences tant en matière civile que pénale, jugeant les affaires civiles dont le montant n’excède pas 4.000 € et les contraventions jusqu’à la 4ème classe incluse.

Selon les chiffres donnés par la Chancellerie, on comptait, en 2011, 672 juges de proximité. Ils traitaient, cette année-là, 90 000 affaires nouvelles en matière civile et 370 000 affaires en matière pénale.

Le contentieux est important et concerne les citoyens dans leur rapport premier avec la justice, la justice de tous les jours.

En 2011, la loi du 13 décembre relative à la répartition du contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles prévoyait, pour le 1er janvier 2013, la suppression des juridictions de proximité et le rattachement des juges de proximité au tribunal de grande instance.

Plusieurs arguments étaient alors avancés pour justifier ce changement :

– l’existence de deux juridictions de première instance, qui complexifie manifestement l’organisation judiciaire puisque en l’absence de juge de proximité dans un ressort, le tribunal d’instance retrouve sa compétence initiale,

– le faible nombre de juges de proximité, qui ne parvient pas à désengorger les tribunaux de manière significative,

– la présence de membres de la société civile dans l’institution judiciaire.

Les juridictions de proximité auraient donc, en un mot, échoué à rapprocher les citoyens de la justice et à simplifier la juridiction de première instance.

Malgré ces reproches, dont certains justifiés, la proposition de loi du Président Jean-Pierre Sueur, que nous examinons aujourd’hui, demande de reporter, la suppression des juridictions de proximité au 1er janvier 2015.

Si elle était adoptée, les juridictions de proximité bénéficieraient donc d’un sursis d’encore deux années.

Les réformes de ces dernières années n’ont fait qu’ébranler un peu plus la confiance des citoyens en leur justice et leurs juges.

La réforme de la carte judiciaire, initiée en 2007 par Mme Rachida Dati, alors ministre de la Justice, est à cet égard emblématique : manque de méthode, absence de concertation, on se souviendra longtemps des manifestations de magistrats et d’avocats.

En outre, si le délai imposé par la loi du 13 décembre 2011 est respecté, c’est tout le contentieux qui sera transféré aux tribunaux d’instance alors que leurs moyens n’ont pas été augmentés, loin s’en faut, et que la dernière réforme de la carte judiciaire a abouti la suppression de 178 d’entre eux.

Une réforme ambitieuse et l’apport de moyens financiers et humains plus conséquents sont nécessaires. Et c’est tout l’appareil judiciaire de première instance qu’il faut revoir.

Mais pour que cette réforme ne constitue pas un énième rendez-vous manqué, nous devons nous donner du temps. Le temps de la réflexion mais surtout de la concertation.

Ce délai de deux années supplémentaires nous paraît dès lors raisonnable et utile.

Les écologistes voteront donc ce texte.

Mais je veux profiter de cette occasion, dans l’optique de la réforme, pour vous dire, Madame la ministre, la conviction des écologistes :

– que l’accès au droit est un rempart contre la précarité et un outil indispensable pour plus de dignité et de cohésion sociale,

– que l’accès au droit de tous doit constituer une priorité pour notre gouvernement.

En effet, si nul n’est censé ignorer la loi, tous les citoyens doivent être égaux devant elle.

Le temps est donc venu de réparer et de rétablir la confiance des Français dans leur justice, qui n’est ni laxiste, ni incompétente.

Pour conclure, je reprendrai donc simplement les mots du candidat Hollande qui faisait de la justice de proximité, celle des « oubliés, des humbles, des accidentés de la vie, cette justice du travail, de l’aide sociale, du handicap, des pensions, des allocations familiales —qui concerne chaque année environ 250.000 personnes. »

Et vous dirai tout l’espoir que nous, écologistes, avons dans la réforme à venir ».