Les 4 et 5 juillet, le Sénat examinait le projet de loi, porté par les ministres Schiappa et Belloubet, « renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ». Cheffe de file pour le groupe CRCE, j’ai regretté un texte manquant profondément d’envergure. J’ai défendu de nombreux amendements et rappelé, tout au long de la discussion, qu’une victime de harcèlement ou d’agression sexuelle n’est jamais responsable de ce qu’elle subit ! Si les débats ont parfois été tendus, ils n’ont pas abouti à un texte équilibré, nous nous sommes, en conséquence, abstenus.
Vous trouverez ci-dessous mon intervention au cours de la Discussion Générale, la défense de mes amendements et mes prises de parole sur les articles du PJL.
PJL n° 590 :
renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Intervention au cours de la Discussion Génarale
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la Commission des Lois,
Mesdames les Rapporteures,
Mes cherEs collègues,
Si un travail important a été effectué jusqu’ici par les associations féministes et luttant contre les violences sexistes et sexuelles, ainsi que par les Délégations aux droits des femmes des deux Chambres, le sentiment prévalant est toujours celui de la maltraitance des victimes et de l’impunité des agresseurs.
Le texte qui nous est soumis se veut une réponse législative à ce qui est surtout un immense chantier social et sociétal à ses balbutiements. Et quoi que l’on puisse penser de ses dispositions, la première chose qui frappe est un manque d’envergure.
Qui peut vraiment penser que quatre modifications législatives pourront suffire à mener efficacement la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ? Elles peuvent au mieux lancer un processus pour mieux aborder ces questions, sans toutefois aller à la racine du mal. La réalité de notre société, qui méconnaît encore souvent la gravité, la fréquence et la prégnance des violences sexistes et sexuelles, devrait nous inciter à plus d’ambition.
La parole féminine qui s’est exprimée ces derniers mois, les hashtags « metoo », « balancetonporc » qui ont déferlé sur les réseaux sociaux, tout cela est venu nous rappeler que les violences sexistes et sexuelles s’exercent sur nos concitoyennes de manière massive, sans distinction de milieu social ou professionnel. Ce mouvement, souvent présenté comme une « libération de la parole » des femmes, nous interroge d’abord sur le silence qui l’a précédé et qui, quoi qu’on dise, s’impose toujours à l’immense majorité des victimes.
Ces problématiques ne sont pas nouvelles, elles ont d’ailleurs été évoquées ici même en février 2017 lors d’un débat que j’avais initié sur le thème « Violences sexuelles : aider les victimes à parler »
Modifier la loi est-elle la réponse ? Le législateur / la législatrice ne peut certes plus occulter le problème. Mais c’est aussi la société dans son ensemble, femmes et hommes ensemble, qui se doit d’apporter des réponses à ces atteintes majeures à l’intégrité même du corps féminin.
Cette histoire remonte à loin. Longtemps soumise à une domination masculine sans partage, considérée d’abord comme reproductrice, comme objet de convoitise sexuelle, les effets de l’« infériorité » sociale supposée de la femme n’ont pas disparu. En témoignent entre autres l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes, le peu de place qu’elles occupent en politique, dans les conseils d’administration, à la tête des entreprises, dans les postes à responsabilité. Les exemples sont nombreux. Jusqu’à la circulation de la parole féminine elle-même, sans cesse interrompue, ici ou ailleurs.
Les violences sexistes et sexuelles découlent d’une perception globale, directe ou indirecte, de la femme comme objet plutôt que comme sujet. Perception que nombre de femmes elles-mêmes ont fini par intérioriser. Leur silence face aux violences sexistes et sexuelles n’y est pas étranger.
Ce n’est pas un hasard si, en France, une femme victime de viol sur dix porte plainte contre son agresseur. Ce chiffre est certes impressionnant mais ne peut être imputé à la seule faiblesse supposée de notre arsenal législatif. Ce silence est lié aussi à ce qu’il convient d’appeler la « culture du viol », qui consiste à faire porter à la victime d’une agression une partie de la culpabilité.
Pour démonter cette « culture du viol », il est nécessaire de rappeler inlassablement qu’une victime de harcèlement ou d’agression sexuelle n’est jamais responsable de ce qu’elle subit ! Il est indispensable de développer l’information et la prévention dans les écoles, les universités, les administrations, les entreprises, pour que les citoyennes et citoyens puissent appréhender clairement ce qui relève d’une infraction sexuelle, le repérer, y réagir et surtout le dénoncer.
Si tout cela n’est pas accompagné d’une valorisation de la place de la femme dans la société, les efforts déployés pourraient s’avérer vains. Éducation et manuels scolaires ont un rôle important à jouer en la matière en faisant évoluer leur contenu.
On ne peut pas se dispenser non plus, pour les victimes osant parler, d’un véritable accompagnement, au moment du dépôt de la plainte puis tout au long de la procédure.
De même, si la police et la justice ne sont pas dotées des moyens financiers et des formations nécessaires à cette mission, il est à craindre que tout cela ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau.
Toutes ces questions méritent débat. Nos divergences seront probablement nombreuses, le sujet divise même à l’intérieur de notre groupe. Convenons toutefois toutes et tous que ce sujet doit définitivement cesser d’être un tabou. La parole libérée des femmes doit nous pousser à le prendre enfin à bras-le-corps.
Je vous remercie.
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Prise de parole sur l’article 1 :
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Ce n’est pas la première fois que nous débattons de l’allongement de la prescription des crimes sexuels sur mineurs. L’émotion est légitime face à l’impunité dont bénéficient de trop nombreux auteurs de violences sexuelles.
Soyons honnêtes cependant. Quelle enquête digne de ce nom pourra être conduite après tant d’années ? Ne laissons pas croire aux victimes que l’allongement de la prescription est un remède miracle. Il convient d’abord et surtout de les accompagner tout au long de la procédure, de les préparer à l’idée que la vérité judiciaire peut contredire leur vérité intime. L’amnésie traumatique reste discutée dans la communauté scientifique, souvenons-nous en.
Je voterai cet article tout en étant convaincue que la priorité est d’aider les victimes à parler plus tôt.
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Défense de l’amendement 102 rectifié bis sur l’article 1 :
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Le code pénal prévoit que le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Introduits à l’initiative de notre commission des lois, les alinéas 6 et 7 de l’article 1er entendent compléter ce dispositif en affirmant le caractère continu de l’infraction de non-dénonciation des agressions et atteintes sexuelles commises à l’encontre des mineurs par le biais du report du point de départ du délai de prescription au jour où la situation illicite prend fin.
Nous considérons que cette disposition reviendrait à introduire une forme d’imprescriptibilité, ce qui ne nous paraît pas souhaitable. D’abord en raison du principe de proportionnalité des peines mais surtout pour des raisons de principe. Aujourd’hui, seuls les crimes contre l’Humanité et les crimes de génocide sont imprescriptibles, mettre au même niveau l’infraction de non-dénonciation des agressions sexuelles, semble, pour le moins inopportun.
Nous demandons en conséquence, la suppression des alinéas 6 et 7.
Je vous remercie.
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Défense de l’amendement 105 de l’article 2, sur le seuil d’âge du consentement :
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,
Ma collègue Laurence Cohen a présenté un amendement visant à faire du viol sur mineur une infraction à part entière. Il nous paraissait en effet important que, sur une question aussi capitale que la protection des enfants contre les violences sexuelles, tous les dispositifs légaux soient envisagés et puissent être débattus par notre Haute Assemblée.
Bien sûr la loi ne peut pas tout et, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale, un travail immense de prévention reste à faire.
Toutefois, notre droit peut être amélioré pour que la question du consentement, qui a provoqué tant d’émotion dans l’opinion publique après les affaires de Meaux et Pontoise, soit définitivement évacuée dans certains cas.
Nous proposons donc, avec le présent amendement de compléter l’article 222-23 du code pénal qui définit le viol, en précisant que la contrainte, élément indissociable du crime de viol, est nécessairement constituée quand l’auteur des faits est une personne majeure et que la victime est un enfant de moins de treize ans.
Le droit pénal pose déjà l’interdit de toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de 15 ans, il s’agit alors de renforcer cet interdit et d’envoyer un message fort : un mineur de 13 ans ne peut consentir à un relation sexuelle avec un majeur et ce, quelles que soient les circonstances.
La détermination du seuil d’âge fait débat, au sein même de notre groupe. Nous avons toutefois estimé que l’âge de 13 ans était un choix raisonnable et plus à même d’éviter certaines dérives.
Je vous remercie.
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Interventions sur l’article 2 :
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Interventions sur l’article 3 :