À l’occasion de la visite de la sénatrice Esther Benbassa, le Télégramme a visité le Quartier de prise en charge de la radicalisation de la prison des femmes de Rennes.
À l’heure du déjeuner, la cour de promenade flambant neuve, exclusivement réservée aux femmes incarcérées dans le Quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR) de Rennes est vide. L’herbe est bien tondue, les espaces de fitness flambant neufs. S’il n’y avait ces barbelés entourant les hauts murs de briques, la cour ressemblerait à n’importe quel square de ville. À l’intérieur, les cellules sentent encore le neuf. D’une taille de 11 m2, elles sont plus grandes que celles du centre de détention, qui avoisinent les 7 m2. Elles disposent même d’une douche individuelle. De fait, le QPR est bien loin de l’idée que l’on se fait de ces quartiers ultra-sécurisés, même si les mesures de sécurité sont renforcées : passe-menottes aux portes, double barreaudage aux fenêtres… Il faut dire que le QPR de la prison des femmes est tout récent. Ouvert début septembre à la maison d’arrêt de l’établissement, il fait figure de modèle. C’est aussi le premier en France consacré uniquement aux femmes. Auparavant, les femmes radicalisées étaient mélangées au reste de la population carcérale.
Conçu pour accueillir au maximum seize détenues, il en héberge neuf pour le moment, explique Véronique Sousset, la directrice de l’établissement, à l’occasion d’une visite impromptue de la sénatrice Esther Benbassa, le jeudi 10 mars. À terme, une nouvelle tranche de travaux devrait permettre d’accueillir 29 femmes.
Qui sont ces femmes, demande la parlementaire anciennement EELV, très engagée sur la question carcérale ? « Des personnes prévenues ou condamnées pour des faits de terrorisme. Certaines sont passées à l’acte, d’autres non », répond Véronique Sousset. Parmi elles, une poignée sont même allées en Syrie. « Nous sommes passés de la femme du djihadiste à la femme djihadiste », remarque la directrice.
Médiateur du fait religieux
Côté suivi, il serait prétentieux de parler de « déradicalisation », prévient-elle. « Je préfère parler de la réaffiliation sociale ». En clair, avant d’envisager des perspectives professionnelles, il s’agit de resociabiliser ces femmes et de déconstruire les schémas qui les ont menées à se radicaliser.
Pour y parvenir, plusieurs professionnels se relaient auprès des détenues : des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP), des assistantes sociales, une coach sportive… Et un médiateur du fait religieux. L’intervenant n’est pas un imam. Il permet d’interroger les femmes sur leur pratique religieuse, car elles ont souvent, remarque Véronique Sousset, une « connaissance parcellaire » de leur religion. Un historien est également présent pour leur apprendre à lutter contre les fake news, les théories complotistes et leur apporter une éducation aux médias. « La principale difficulté, observe la directrice, c’est qu’on ne peut pas leur offrir de travail ».
Après six mois au sein du QPR, les détenues peuvent, à la suite d’évaluations, en sortir. Le dispositif est-il efficace ? Trop tôt pour le dire, la structure n’étant en place que depuis septembre. Une détenue en est toutefois sortie pour repartir vers le centre de détention, se félicite Véronique Sousset. Reste qu’il faut souvent du temps pour achever le processus de déradicalisation. « Pour les hommes, cela nécessite en moyenne 19 mois ».