Prises de parole d’Esther Benbassa lors de l’examen de la loi mobilités

Prise de parole à l’article 26 :

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cherEs collègues,
Le présent article vient créer un « forfait mobilités durables », permettant aux entreprises et administrations de rembourser une partie des frais de déplacement domicile-travail de leurs salariés, si ceux-ci ont recours à un transport peu polluant tel que le vélo ou le co-voiturage.
Depuis le début de ce quinquennat, les déceptions sur les questions environnementales ont été nombreuses. En atteste notamment la démission du Ministre Hulot et le départ de Matthieu Orphelin du groupe LREM. Il faut le reconnaitre, nous sommes bien loin du slogan tapageur d’Emmanuel Macron qui déclarait il y a un peu plus d’un an « make our planet great again ! ». Après les reculades sur l’usage du plastique et des pesticides, après les lois Elan et Egalim, après le projet « Montagne d’or » en Guyane, il est vrai que nous n’attendions plus grand-chose de la part de cet exécutif. Pire encore, il y a peu, alors que se tenait la Marche du Siècle, votre majorité parlementaire décidait de voter le report de 5 ans pour l’interdiction des pesticides.
Pourtant, force est de constater que pour une fois, le mécanisme proposé est intéressant. Loin de l’écologie inflexible et punitive, le forfait retenu semble être plutôt adéquat afin de procéder à un progressif changement en matière de recours aux transports : vers une mobilité plus solidaire et écolo-compatible.
Cette mesure relève du bon sens et nous ne pouvons que regretter son caractère simplement incitatif. L’urgence de la situation, récemment rappelée par le rapport du GIEC, aurait pu astreindre le gouvernement à proposer un mécanisme moins timoré.
Encore un effort, Monsieur le Ministre !
Je vous remercie

 

Prise de parole à l’article 27 :

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cherEs collègues,
Le présent article prévoit la mise en place d’un plan d’action contenant des mesures en faveur de la qualité de l’air dans les agglomérations d’au moins 100 000 habitants à l’horizon 2025-2030. Il sera ainsi notamment testé des Zones à Faibles émissions (ZFE) au sein de ces grandes métropoles.
Comme pour l’article 26, l’intention est louable. Mais une fois encore, la mesure n’est pas à la hauteur de la situation. La pollution est globale et touche nos 68 millions de concitoyens. Pourtant, vous semblez privilégier une amélioration de la qualité de l’air uniquement pour les citadins des grandes villes.
Va-t-on une fois de plus feindre d’oublier que plus de 20 % de notre population vit encore en zone rurale ? Va-t-on ignorer également les derniers rapports démographiques de l’INSEE qui nous expliquent que ce sont les villes de 10 000 à 50 000 habitants qui connaissent la plus forte expansion ? A la fracture sociale et économique qui sépare aujourd’hui nos grands centres urbains de nos campagnes, va-t-on en plus ajouter une fracture sanitaire ? En partant de ce constat, il est évident que ce seuil de 100 000 habitants n’est pas suffisamment ambitieux.
Ce manque d’aspiration est également illustré par le temps long que s’accorde l’exécutif pour mettre en place ces dispositifs. Si vous me permettez de rependre la fameuse expression de Jacques Chirac : « la maison brûle et nous attendons l’horizon 2025-2030 pour agir » !
La transformation du secteur des transports est urgente et incontournable pour respecter les engagements pris dans le cadre de la COP 21. Vous avez l’opportunité d’enclencher cette transition, tout en apportant des solutions aux difficultés auxquelles nos concitoyennes et concitoyens sont confrontés au quotidien.
Ayez l’audace de proposer de véritables mesures novatrices, comme par exemple la gratuité des transports en commun, qui aurait pour mérite de désengorger les réseaux routiers, tout en améliorant durablement la qualité de l’air. C’est vers cela que doit tendre la mobilité du 21ème siècle.
Je vous remercie.