Prise de parole d’Esther Benbassa pour le projet de loi « Pour un nouveau pacte ferroviaire » (29 mai 2018)

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Mes ChèrEs collègues,

Le 31 janvier 2018, la SNCF a été jugée par la Cour d’Appel de Paris, coupable de discrimination envers ses anciens employés chibanis. Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire, Madame la Ministre. Les chibanis sont ces 843 cheminots marocains qui ont été embauchés par la SNCF entre 1973 et 1980, et ce, avec un statut différent et moins protecteur que celui de leurs homologues français. Il aura fallu attendre longtemps, mais la rupture d’égalité entre travailleurs exerçant le même emploi, sur le fondement de la nationalité, a été reconnue par la Justice.

Pourtant, cet article 1 en atteste, vous ne semblez en avoir tiré aucun enseignement. Dans ce « nouveau pacte ferroviaire » qui nous est proposé, vous souhaitez mettre fin au recrutement des cheminots par ce statut dès 2020. Vous assumez donc de créer cette fois une discrimination ayant un fondement générationnel. Par cette action, vous allez engendrer une différence de statut entre les cheminots prenant poste avant 2020 et après 2020. En somme, Madame la Ministre, vous assumez faire de la génération de cheminots embauchés après 2020 les chibanis de demain.

Mettre fin à ce statut représenterait une économie de 100 millions d’euros par an, au budget de la SNCF. Sachant que ce budget s’élève chaque année à plusieurs milliards d’euros, cet effort est à la fois anecdotique et injuste pour les futurs cheminots.

Rappelons que le statut actuel de ces travailleurs est le fruit de décennies de luttes sociales et que, loin de faire d’eux des privilégiés, il vient récompenser un travail fastidieux et exigeant.

De surcroît, cette mesure, comme les autres, ne participent qu’à un mouvement : celui de la détérioration du service public ferroviaire.

Ne vous y trompez pas, Madame la Ministre, mes chèrEs collègues, les chibanis ont obtenu justice et la reconnaissance de leur préjudice, les cheminots d’aujourd’hui ne sont pas prêts à abandonner la lutte pour le maintien d’un service public de qualité.

Je vous remercie.