« Ce n’est pas rien pour un hebdomadaire très libéral comme The Economist de prendre une position qu’ils appellent eux-mêmes « décidément alibérale ». Et c’est encore plus surprenant parce qu’il s’agit de légalisation du cannabis. On peut lire surla « une » de l’hebdo britannique de cette semaine :
« La bonne façon de prendre des drogues. Légaliser le cannabis en toute sécurité. »
Partant du constat que la légalisation, à usage médical et, de plus en plus, récréatif, gagne du terrain dans le monde, The Economist se félicite que « ceux qui (comme nous) ont dit que la légalisation est meilleure que la prohibition vont accueillir avec joie le début de la fin de l’inutile guerre contre le cannabis ».
La prise de position est réfléchie, basée sur des arguments davantage économiques que moraux. La substance « pèse pour plus de la moitié d’un marché de drogues illicites de 300 milliards de dollars » et « reste la drogue de choix de 250 millions de personnes dans le monde ». Or, cet immense marché est sous le contrôle de groupes criminels et meurtriers.
« Légaliser le cannabis priverait le crime organisé de sa plus grande source de revenu, tout en protégeant les consommateurs qui deviendraient des honnêtes citoyens. » Un argument répété plusieurs fois dans leur exposé, qu’on peut résumer sous la forme d’un graphique assez simple :
Réglementer le marché du cannabis –>
—> protégerait le consommateur
—> permettrait à la police d’économiser de l’argent
—> augmenterait les revenus des Etats
—> enlèverait une part de marché aux criminels […]
Le statu quo français
En France, la situation est simple, à défaut d’être rassurante : c’est un des pays où on fume le plus de cannabis en Europe, tout en étant un des pays avec les lois les plus répressives en la matière. En 2014, 11 % des Français âgés entre 18 ans et 64 ans ont consommé du cannabis au moins une fois dans l’année, selon une étude de l’Institut national de prévention et d’éducation. Un adolescent de 17 ans sur deux ayant déjà expérimenté, et près d’un sur dix fume régulièrement des joints, selon l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT).
Avant The Economist, Le Monde (et oui, on avait déjà pris position dès 2014), expliquait dans un éditorial pourquoi la légalisation était une bonne solution. Le constat est quasiment le même :
« Pourtant, malgré son arsenal législatif, la France est (avec le Danemark) le pays européen où l’usage du cannabis est le plus répandu. Un Français sur trois en a fait l’expérience – un collégien sur dix et deux lycéens sur cinq –, tandis que 550 000 personnes en consomment quotidiennement. Bref, la politique répressive en vigueur est inefficace. En outre, elle est coûteuse, car elle mobilise une part significative de l’activité de la police (interpellations et gardes à vue) et de la justice, pour une dépense publique évaluée à 500 millions d’euros par an. Enfin, la prohibition a favorisé le développement d’un marché clandestin de type mafieux. »
Il est difficile, voire impossible, d’avoir un débat politique sur la légalisation du cannabis en France. A droite comme à gauche, on évite le sujet. Une proposition de loi de la sénatrice Esther Benbassa (EELV) visant à autoriser un « usage contrôlé » via une vente au détail similaire à celle du tabac, et dans le cadre d’un « processus de sensibilisation » a été rejetée en avril 2015. […]
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