3 décembre 2020 | Public Sénat
La majorité sénatoriale a adopté les crédits de la sécurité pour 2021, qui bénéficient du plan de relance. Après une hausse des dépenses de personnel les dernières années, l’accent est mis sur l’équipement, ce que saluent les sénateurs.
Après quatre années de rejets successifs, le Sénat a adopté cette fois les crédits pour les forces de l’ordre dans le budget 2021. Des crédits globalement en forte hausse. Au total, le budget du ministère de l’Intérieur « augmente significativement de 1,14 milliard d’euros » a souligné Marlène Schiappa, ministre déléguée en charge de la Citoyenneté, en l’absence du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Une hausse qui doit en réalité beaucoup au plan de relance. Le « budget ordinaire » est en hausse de 400 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 714 millions de la relance.
Pour les effectifs, l’année 2021 verra l’arrivée de 1500 policiers de plus et de 500 nouveaux gendarmes. Mais ce budget met surtout l’accent sur le matériel, avec 213 millions d’euros pour les crédits destinés aux véhicules.
« Un bon budget pour les forces de sécurité »
Philippe Dominati, rapporteur de la commission des finances sur le budget sécurité, est revenu sur les votes négatifs du Sénat, lors des précédentes lois de finances. « Les dépenses de personnel dérapent année après années, et c’est pour ça qu’à quatre reprises, ces dernières années, le Sénat a rejeté ces missions », en raison du déséquilibre en défaveur des équipements de la police. Mais le plan de relance « bouleverse » la donne, reconnaît le sénateur (apparenté LR) de Paris. « 1,5 milliard d’euros seront affectés sur 2 ans à l’équipement et à l’investissement de nos forces de l’ordre » souligne le rapporteur, « on peut considérer qu’il s’agira d’une progression de 20 % pour ces deux postes ». Philippe Dominati ajoute :
Surtout, le plan de relance va répondre à deux préoccupations du Sénat : le parc automobile et l’immobilier.
Comme le souligne la sénatrice LR Françoise Dumont, au nom de la commission des lois, « pour la première fois, le budget apporte des réponses aux besoins et revendications » des policiers. L’article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale, qui fait largement polémique, vient justement aussi d’une volonté de répondre aux revendications des syndicats de policiers, qui demandent une plus forte protection. Toujours est-il que pour Françoise Dumont, « le projet de loi de finances 2021 constitue un bon budget pour les forces de sécurité » dit la sénatrice du Var, qui reste cependant « attentive à ce que l’effort s’inscrive dans la durée ».
« Assurer l’indépendance des enquêtes » de l’IGPN
La sénatrice PS de l’Aude, Gisèle Jourda, a salué « l’augmentation des effectifs pour la gendarmerie », mais elle souligne que « les fermetures nombreuses de casernes ont parfois mis en cause l’adaptation fine aux réalités de la délinquance ».
La sénatrice UDI Nathalie Goulet a pour sa part insisté sur la réforme de l’IGPN (inspection générale de la police nationale), ouverte par le gouvernement. « Elle ne peut se comprendre qu’avec la participation du Parlement » soutient la centriste, avec l’objectif « d’assurer l’indépendance des enquêtes ». Elle souligne qu’en Grande-Bretagne et en Belgique, « le contrôle est composé en partie de membres de la société civile », voire « est fait de façon indépendante du ministère de l’Intérieur ».
150 euros accordés aux 22.000 « nuiteux »
Quant au sénateur RN Stéphane Ravier, il s’est fait le défenseur des forces de l’ordre, à sa manière. « Les milices d’extrême gauche, relayées par certains parlementaires et éditorialistes, croient bon de parler d’un problème systématique dans la police. S’il y a quelque chose de systématique, c’est la haine du flic chez ces gens-là et la violence des anarchistes dans nos rues. Moi je vous le dis tout net : je soutiens la police de toutes mes forces » lance le sénateur des Bouches-du-Rhône. Et d’ajouter : « Tenez bon, bientôt, nous allons remettre la France en ordre ».
L’écologiste Esther Benbassa salue pour sa part « la revalorisation de 150 euros accordée aux 22.000 policiers de nuit », les « nuiteux », tout comme l’achat de 21.000 caméras piétons, « qui peuvent être un outil valorisant l’exemplarité des forces de l’ordre », « à condition que ces caméras fonctionnent »… Les premières avaient un sérieux problème de durée de batterie, beaucoup trop courte. La sénatrice EELV a aussi appelé de ses vœux des « méthodes de maintien de l’ordre plus adaptées », ou des policiers « qui reçoivent les plaintes de façon plus adéquate ». Pour cela, il faut renforcer la « formation ».
Marie-Pierre de la Gontrie (PS) accuse le gouvernement de « double discours » sur la formation des policiers
Le sénateur PS Jérôme Durain défend justement « une amélioration de la formation initiale et continue des forces de l’ordre ». Alors que Gérald Darmanin a reconnu que raccourcir la formation initiale n’était pas une bonne mesure, sa collègue socialiste Marie-Pierre de la Gontrie souligne qu’« on se retrouve sur le terrain avec des jeunes qui n’ont pas la formation minimum. Il faut mettre le paquet et doubler les crédits de formation ». Avis défavorable du rapporteur sur l’amendement PS sur le sujet, même avis de la ministre.
La sénatrice PS insiste et accuse le gouvernement d’être « dans le double discours total » sur le sujet, en refusant une hausse des crédits de formation. « Il y a des décisions » rétorque Marlène Schiappa, « ce budget est en augmentation de 16 % pour la formation de la police ».
« Les hommes d’apparence noire ou d’apparence arabe sont entre cinq et huit fois plus contrôlés que les hommes blancs »
La majorité sénatoriale a aussi rejeté un autre amendement PS visant à instaurer le récépissé lors des contrôles d’identité. « Les hommes d’apparence noire ou d’apparence arabe sont entre cinq et huit fois plus contrôlés que les hommes blancs » souligne Marie-Pierre de la Gontrie. « La République doit traiter de manière égale tous les enfants » ajoute le sénateur PS Jean-Yves Leconte, appelant à « lutter contre ces discriminations ».
Marie-Pierre de la Gontrie a aussi défendu en vain un amendement pour le paiement du stock de près de 24 millions d’heures supplémentaires non payées pour les forces de l’ordre, « un scandale absolu » dénonce la sénatrice de Paris.
« Glissement dangereux de notre sécurité publique vers la privatisation »
La présidente du groupe communiste, Eliane Assassi, a mis l’accent de son côté sur « le mal-être policier » et « les violences policières, deux tabous de notre société qui doivent être abordés avec la même rigueur et sans détour ». Elle ajoute que « si l’attention médiatique s’est focalisée sur l’article 24, il n’en demeure pas moins un autre problème d’envergure : le glissement dangereux de notre sécurité publique vers la privatisation ». Et de pointer « la montée en puissance des autres acteurs de la sécurité », alors que la police doit rester « du ressort du régalien ».
Publié le : 03/12/2020 à 23:26 – Mis à jour le : 04/12/2020 à 08:42