PLF pour 2023 (Justice)

Examen du volet « Justice » du PLF pour 2023 au Sénat : des vies humaines sont sacrifiées en raison d’une institution à bout de souffle. Une réforme structurelle est urgente.

Intervention en séance : https://youtu.be/TT9P-CHbI2o

Intégralité du texte prononcé :

Monsieur le Président,

Monsieur le Rapporteur,

Monsieur le Ministre,

Mes Cher⸱e⸱s collègues,

Si notre justice portait un nom, ce serait celui de Charlotte. C’est l’histoire tragique d’une jeune magistrate de 29 ans qui s’est donnée la mort le 23 août 2021 à Béthune. Envoyée de tribunaux en tribunaux, elle comblait les effectifs manquants des juridictions du Nord. À ses conditions de travail difficiles, s’ajoutaient des injonctions d’aller toujours plus vite. Syndrome d’une justice malade qui préfère un jugement rapide et dégradé à un jugement de qualité. À la suite de son suicide, une pétition réunissant 3000 magistrats et plus de 100 greffiers voit le jour et condamne une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout. 

Je pourrais aussi parler de la magistrate Marie Truchet qui s’est écroulée en pleine audience de comparution immédiate le 18 octobre dernier au tribunal de Nanterre et qui ne s’est plus jamais relevée. Il y a tant de drames qui se jouent dans l’enceinte de l’institution judiciaire. Ce ne sont pas des faits anecdotiques, ce sont des vies humaines sacrifiées en raison d’une justice à bout de souffle. Les États Généraux de la Justice ont confirmé l’état de délabrement avancé de notre système judiciaire qui ne parvient plus à exercer ses missions dans des conditions satisfaisantes.

Dans son rapport, le comité des États généraux met l’accent sur l’importance de la réinsertion en prison. Ainsi, une augmentation significative des crédits sont alloués à l’insertion professionnelle des détenus dont 2,8 millions d’euros pour le renforcement du statut de détenus travailleurs et 2 millions d’euros consacrés à la diversification des actions de réinsertion. J’aurais aimé qu’on s’indigne autant sur l’état de nos prisons, comme on s’est indigné pour le karting à la Maison d’arrêt de Fresnes. Hélas, force est de constater que pour l’opinion publique, la prison devrait être un endroit insalubre aux conditions dures et où les détenus doivent croupir à 3 dans une cellule. Mes nombreuses visites en prison me permettent d’attester que les prisons françaises ne répondent pas à l’exigence de dignité dont tout être humain a le droit. Nous ne soignerons pas le fléau de la surpopulation carcérale par l’élargissement du parc immobilier carcéral. La solution est ailleurs et réside dans l’aménagement des courtes peines. 

Monsieur le Ministre, on ne peut nier tous les efforts financiers entrepris ces trois dernières années pour redresser le budget de la Justice. Néanmoins, 9,6 milliards d’euros suffiront-ils pour faire oublier ce qui a été trop longtemps négligé ? Notre Justice nécessite une réforme structurelle de fond à tous les niveaux. 

Merci.

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI