Projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme

Intervention lors de l’étude du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Dans un pays sous état d’urgence sanitaire, Gérald Darmanin transforme notre pacte républicain en une chape répressive. Les «principes» étriqués de la République macronienne prennent ainsi le pas sur l’esprit de nos lois, celle de 1905 comprise.

Mes interventions :

Mon intervention lors de la discussion générale :

Ci-dessous le texte de l’intervention :

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mesdames les Rapporteures,

CherEs collègues,

Penchons-nous sur l’exposé des motifs de ce texte. Qu’y lit-on ? « Un entrisme communautariste, insidieux mais puissant, gangrène lentement les fondements de notre société dans certains territoires. Cet entrisme est pour l’essentiel d’inspiration islamiste ». Il y a peu, Madame Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur déclarait elle que l’islamo-gauchisme « gangrénait » la société. La récurrence de ce terme médical n’est pas anodine. Elle en dit long sur la perception que certains ont, en France, de l’islam. En fait, il infecterait, il pourrirait, il rongerait notre pays. Au lieu de proposer des solutions pour contrer l’islamisme radical en agissant efficacement dans les territoires touchés, et en mettant à la disposition de cette action tous les moyens publics nécessaires, ce texte ne suggère que de couper des membres gangrénés. Sans aider bien sûr à faire cesser, dans l’esprit de trop de nos concitoyens, la confusion entre islamisme radical et islam.

Élaboré après l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty, ce texte, dont plus d’un tiers des articles vise à renforcer les dispositifs de contrôle et près d’un quart définit des peines d’emprisonnement, facilitera-t-il la lutte contre le mal qu’il dénonce ? Je crains que non. Et je suis la première à le regretter. Il tend surtout à renforcer le contrôle social, à restreindre les libertés, et à réprimer tout ce qui ne se soumet pas à l’ordre social que le pouvoir appelle de ses vœux en cette veille d’élection présidentielle, quand il espère ainsi récolter des voix à la droite et à l’extrême droite.

Ses répercussions seront de surcroît importantes sur la vie des autres cultes.

L’archevêque de Reims, président de la conférence des évêques de France, m’écrivait ceci dès janvier (je cite) : « Pour le dire synthétiquement, la loi de 1905 est une loi de liberté. Elle risque, avec ce projet de loi, d’être transformée en une loi de contrôle, de police et de répression. » Il ajoutait : « Pour acquérir des moyens nouveaux d’empêcher les islamistes radicaux de mener à bien leur projet, l’État multiplie les contrôles et organise une nouvelle mise sous tutelle des cultes. » Je le rappelle : c’est un archevêque qui parle, pas la Défenseure des droits.

Le Conseil d’État juge lui-même que « le projet de loi alourdit les contraintes pesant sur les associations cultuelles et modifie l’équilibre opéré en 1905 par le législateur. » Ce texte consacre en fait, pour reprendre les mots de François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, « la dérive progressive et inquiétante de la compréhension de la laïcité comme la grande idée libérale de 1905 vers une neutralisation religieuse de notre société. »

Les libertés associatives sont globalement menacées par ce texte. Les associations même non religieuses s’en inquiètent, qui voient l’octroi de subventions conditionné à la signature d’un « contrat d’engagement républicain » aux contours flous, et à l’engagement de s’abstenir de toute action préjudiciable à l’ordre public. Les associations écologistes pourraient bien, à terme, en pâtir à leur tour. Car il s’agit bien ici d’un texte de suspicion généralisée. Ses cibles sont aujourd’hui musulmanes. Elles pourraient bien se diversifier à l’avenir.

Ce texte modifie la loi sur la liberté de la presse de 1881, celle de l’instruction primaire obligatoire de 1882, celle de la séparation des Églises et de l’État de 1905 et enfin celle de 1907 sur l’exercice public des cultes. La laïcité, socle de notre cohésion nationale, n’est plus ici qu’un prétexte pour bâtir une République autoritaire et intrusive. Dans un pays sous état d’urgence sanitaire depuis plus d’un an, M. Darmanin transforme notre pacte républicain en une chappe répressive. L’article 18 sur le délit de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion ou la transmission d’informations sur internet, remake de l’ancien article 24 de la proposition de loi « Pour un nouveau pacte sécuritaire respectueux des libertés »,l’atteste bien.

Ce PJL aussi s’intitule « Respect des principes de la République ». « Respect », « respectueux », voilà des mots qui disent le contraire de ce que ces textes sont vraiment : liberticides. Il est à regretter que les « principes » étriqués de la République macronienne prennent le pas sur l’esprit de nos lois, loi de 1905 comprise.

Pour toutes ces raisons, le Groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne pourra que voter contre ce texte.

Je vous remercie.

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI