PJL Prévention d’actes de terrorisme et renseignement – Discussion générale

Intervention lors de la discussion du projet de loi Prévention d’actes de terrorisme et renseignement :  » Nombre de défenseurs des libertés publiques sonnent l’alarme, quand de telles mesures temporaires, justifiées par une situation de crise, sont ramenées au droit commun. Cette crainte est légitime : allons-nous créer une société qui vit dans un État d’urgence permanent ? »

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Rapporteur,

Mes cherEs collègues,

Le Gouvernement a déposé au Parlement le mercredi 28 avril dernier un nouveau projet de loi antiterroriste. Alors que nous débutons son étude, je le dis d’emblée : celui-ci est, à l’image de ce quinquennat, le symbole d’un affaiblissement des libertés individuelles.

Il reprend en effet certaines dispositions de la loi Silt, ainsi que des mesures de l’État d’urgence, telles que la fermeture des lieux de culte, la perquisition administrative, les saisies informatiques, en prévoyant même un durcissement de certaines d’entre elles.

Parmi ces mesures, il y les Micas, ou, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance. Il s’agit tout d’abord d’un dispositif qui n’est pas décidé par un juge, mais par le ministère de l’Intérieur. Nous ne saurions suffisamment le répéter, cette déjudiciarisation en marche suscite une opposition ferme de notre part. Où allons-nous, si le principal garde-fou que représente le juge est de plus en plus dessaisi de sa mission de protection des droits et libertés fondamentales ? 

Ces mesures administratives, qui constituent l’équivalent des assignations à résidence prises dans le cadre de l’État d’urgence, ne devaient normalement être expérimentées que jusqu’au 31 juillet prochain. Or, voilà que le présent projet de loi prévoit leur pérennisation dans notre droit pénal.

Nombre de défenseurs des libertés publiques sonnent l’alarme, quand de telles mesures temporaires, justifiées par une situation de crise, sont ramenées au droit commun. Cette crainte est légitime : allons-nous créer une société qui vit dans un État d’urgence permanent ?

Ce projet de loi fait également réapparaître les mesures de sûreté judiciaire. Rappelons tout de même qu’à l’été dernier, le Conseil constitutionnel avait censuré une loi du parti présidentiel qui visait à renforcer les mesures de sûreté à l’encontre des détenus condamnés pour des actes terroristes et sortant de prison. Un tel régime, d’application rétroactive, porte une atteinte excessive aux droits et libertés garantis par la Constitution, alors même que le droit commun prévoit déjà toute une série de mesures permettant d’assurer un suivi post-détention. 

Enfin et surtout, ce texte fait courir le grave risque d’une surveillance de masse de la population. Boîtes noires algorithmiques, dispositifs « IMSI-catcher », captage des données de communication satellitaires, recueil des URL ; tout, dans ce texte, y est.

En 2015, c’était le Gouvernement Valls qui avait imaginé un cadre juridique ouvrant la voie aux « boîtes noires » algorithmiques.

Mais nous connaissons les failles de ces systèmes de surveillance. De nombreux spécialistes ont par ailleurs jugé sévèrement cette initiative. Citons simplement Patrick Calvar, ancien numéro un de la DGSI, qui évoquait début 2018 une « puissance toute relative des renseignements, même avec ces moyens ».

Alors, mes cherEs collègues, nous devons-nous poser la question suivante : jusqu’où irons-nous ? Sommes-nous prêts à continuer de réduire, loi sécuritaire après loi sécuritaire, la protection des libertés individuelles des Français ?

Aux yeux du Groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, ce texte, qui tend à endiguer la menace terroriste, pourtant bien réelle, ne protège pas, en réalité, ni les Français ni leurs libertés 

Ainsi, parce que ce Projet de loi aboutit à l’introduction de mesures liberticides dans notre droit commun, nous voterons contre.

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI