Paroles de binationaux et de trinationaux (La vie, 14 janvier 2016)

[…] « Ces trois nationalités, ce sont des morceaux de moi »

Esther Benbassa, franco-turque-israélienne, 65 ans, sénatrice du Val-de-Marne

Je suis née à Istanbul dans une famille descendante de juifs expulsés d’Espagne. J’ai émigré en Israël à l’âge de 15 ans, puis je suis arrivée en France en 1972. J’ai été naturalisée deux ans plus tard. Je suis donc trinationale. Lorsque j’étais enfant, mon père ne cessait de prendre la France en exemple. Pour nous, le pinacle, c’était la culture française, la plus belle des langues, la plus belle des civilisations. Pour les juifs que nous étions, la République était belle parce qu’elle portait des valeurs bibliques : liberté, égalité, fraternité. Mon père me parlait toujours de Dreyfus, mais uniquement de sa réhabilitation. Il en était fier. Dès l’âge de 5 ans, j’ai bénéficié des leçons d’une préceptrice française. Mon amour de la France, ce sont des actes, pas des mots. Je n’ai rien à justifier, rien à prouver. J’ai grandi en Turquie, cela fait partie de mon histoire. Une partie de ma famille vit en Israël, mes parents sont enterrés là-bas, cela fait partie de mon identité. Je vis en France et c’est là que je me suis engagée en politique, cela fait partie de ma vie. Ces trois nationalités font partie intégrante de mon parcours. Ce sont des morceaux de moi. Qu’on ne me demande pas de me dissocier, je ne renoncerai jamais à mes racines et à ce que je suis aujourd’hui : une cosmopolite qui aime profondément la France. Je suis pleinement française, de pensée, de coeur, de réflexion. Maintes fois, j’aurais pu partir m’installer aux États-Unis, où j’aurais été beaucoup mieux payée comme professeur, mais je n’ai jamais voulu quitter mon pays d’adoption. J’ai choisi d’être française. Ce n’est pas un mariage arrangé, mais un mariage d’amour. Avec le projet de déchéance de nationalité, je regrette que François Hollande prenne en otage la République et ses valeurs pour des petites combines politiciennes. […]

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