Par Gaétan Supertino : FAIS TOURNER LE DÉBAT – Une proposition de loi EELV en faveur de la dépénalisation est présentée au Sénat.
Le rendez-vous. Les écologistes allument une nouvelle fois le débat autour de la dépénalisation du cannabis. Mais pour la première fois, ils vont au bout de leur démarche, en déposant une proposition en ce sens devant le Sénat. À la manœuvre : la sénatrice d’Europe écologie Les Verts (EELV) : Esther Benbassa. « La prohibition a un coût humain, un coût matériel, un coût social », a défendu jeudi la sénatrice – qui « ne fume pas » – lors de la présentation de son texte.
Le texte. La proposition prévoit une autorisation à la vente, avec un encadrement strict – interdiction de la vente aux mineurs, de la consommation dans les lieux publics, de faire de la publicité, limitation de la quantité transportable – accompagné de lourdes sanctions. Pourtant, il ne sera pas adopté.
La majorité parlementaire socialiste est divisée sur la question et ne devrait pas – sauf immense surprise – voter le texte. Et « la position du gouvernement, qui est d’ailleurs celle du président de la République, c’est de ne pas lever cet interdit », a rappelé Manuel Valls récemment.
>> Face à cet échec programmé, pourquoi le parti écologiste insiste-t-il autant ? Peut-il en retirer un bénéfice politique ? Y a-t-il un véritable électorat sensible à cette question ? On décrypte.
EELV fait tourner le débat. Les écologistes ne sont pas les seuls à défendre la dépénalisation. Mais ils sont les plus nombreux à monter au créneau pour réclamer un débat. D’Esther Benbassa à Stéphane Gattignon, maire de Sevran en passant par Barbara Pompili, coprésidente du groupe Europe Écologie-Les Verts (EELV) à l’Assemblée, ou même Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé et Dany Cohn-Bendit, tous se sont fait remarquer pour leurs prises de positions, ces dernières années.
« Les dirigeants écologistes sont en phase avec leur électorat. Aujourd’hui, le courant libéral-libertaire d’après mai 68, partisan de la légalisation du cannabis, a cédé du terrain. Et ceux qui restent se sont plutôt retrouvés chez les écologistes », décrypte Stéphane Rozès, politologue et président du Cap (Conseils, analyses et perspectives) contacté par Europe1.fr.
« EELV écoute son électorat ». Mais outre l’esprit de « phase » avec ce qui reste de libertaires, les écologistes n’espèrent-ils pas aussi séduire un électorat déçu par les autres partis ? « Non, c’est l’électorat d’EELV qui décide pour la direction. Le parti écoute sa base et il s’en fait le relai », estime, pour sa part, Stéphane Rozès. « Ils font ça plutôt par conviction », poursuit Daniel Boy, spécialiste d’écologie politique au Centre de recherches politiques de Sciences Po.
« D’ailleurs, même dans leur électorat, les écologistes purs et durs, partisans de la dépénalisation, ne représentent que 3 à 5% des votants. Donc l’intérêt électoral est limité », ajoute Daniel Boy.
Un (petit) intérêt électoral. L’intérêt électoral n’est en effet pas bien grand. Selon un sondage de novembre dernier de l’institut CSA, fin novembre 2013, 55 % des Français jugent négativement la dépénalisation. « Depuis les années 90, les Français recherchent davantage de normes. Le mouvement ‘liberté en tout’ s’est tout de même relativement estompé, même au sein de la gauche », a constaté Stéphane Rozès.
Pourtant, il reste tout de même 19% des Français à avoir une opinion positive de la dépénalisation. Du côté des sympathisants de gauche, ils sont même… 48% à se prononcer partisan d’une telle mesure (contre 20% à droite et 28% à l’extrême droite), selon un autre sondage, Ifop, datant de 2011. Un électorat potentiel non négligeable pour un parti comme les écologistes, qui a fait 3% à la dernière présidentielle.
Une question qui compte? « La question de la dépénalisation n’est pas déterminante dans le choix d’un parti. Les gens ne se limitent pas à une question », nuance toutefois Stéphane Rozès. Pourtant, dans certains cas, cela pourrait faire pencher un vote.