Nouvelle tentative pour abroger le statut spécial des gens du voyage (LaGazette.fr, 22 juin 2012)

Un siècle après l’instauration du régime spécial appliqué aux nomades (16 juillet 1912), modernisé par la loi du 3 janvier 1969, une proposition de loi vise à faire entrer les gens du voyage dans le droit commun. Dès sa publication sur le site du Sénat, le 19 juin dernier, la PPL, initiative d’Esther Benbassa (EELV), a suscité des réactions dans les milieux associatifs et politiques.

Abroger la loi du 3 janvier 1969, supprimer la catégorie gens du voyage et simplifier la vie des intéressés et des administrations en appliquant les règles du droit commun, tel est le but de la proposition de loi déposée au Sénat par Esther Benbassa et le groupe (EELV).

« L’exercice des activités ambulantes a été transféré par la loi du 4 août 2008 vers le Code de commerce et relève à présent du droit commun », précise l’exposé des motifs de cette proposition de loi.
Etudiant avec précision les modalités de la domiciliation, elle vise à appliquer les principes du droit commun aux gens du voyage. Pratiquement, les titres de circulation disparaîtraient, remplacés par la carte nationale d’identité.

Comme tous les autres citoyens, les gens du voyage devraient alors élire domicile selon les règles du droit commun, notamment à travers les dispositifs déjà appliqués aux personnes sans domiciles stables à travers les CCAS et les organismes agréés pour la domiciliation.
Ainsi disparaîtrait la catégorie administrative « gens du voyage », jugée discriminante par une partie des associations tsiganes et des organisations professionnelles de commerçants et artisans forains et ambulants.

Réactions favorables – Dès sa publication sur le site du Sénat, le 19 juin dernier, les associations de gens du voyage, dont certaines avaient été consultées pour la préparation du texte, ont apporté leur contribution à l’édifice.
Par la voix de sa vice-présidente Francine Schutt-Jacob, l’UFAT salue la disparition de la commune de rattachement et du quota de 3 % de gens du voyage par commune imposé par la loi de 1969.

L’ANGVC souligne l’importance d’être attentif au principe du libre choix de l’élection de domicile. « Il faut tenir compte des réalités et ne pas réduire l’élection de domicile aux seuls dispositifs sociaux. Beaucoup de ceux qui sont aujourd’hui soumis aux titres de circulations du fait de leurs métiers, sont propriétaires de terrains, ne sont pas en difficulté sociale et doivent pouvoir se domicilier à leur adresse comme tout le monde », précise Jérôme Weinhardt, juriste de la FNASAT.

Améliorer l’acheminement du courrier administratif – Très pragmatique, Joseph Charpentier, président de SOS gens du voyage, espère que le nouveau dispositif améliorera l’acheminement du courrier administratif. Les communes de rattachement n’ayant pas l’obligation de gérer le courrier, celui-ci parvient souvent avec beaucoup de retard aux destinataires.

« Cette proposition de loi, n’est qu’un premier stade. Elle sera enrichie par la commission des lois et par les débats au Sénat et à l’Assemblée », précise Esther Benbassa.
La sénatrice du Val de Marne insiste sur la nécessité de déposer le texte dès la fin de la période électorale, « afin que le sujet ne soit pas oublié. Rares sont nos collègues parlementaires qui attachent de l’importance à ce dossier car les gens du voyage ne représentent pas une force électorale ».
La sénatrice remarque néanmoins que si les gens du voyage n’influent pas sur le résultat d’une élection, s’engager en leur faveur n’est pas un handicap pour un candidat. « J’ai fais campagne sur ce thème et j’ai été élue », précise-t- elle.

« Nous travaillons dans le même sens que nos collègues écologistes » – Pierre Hérisson (UMP)

Le sénateur de Haute-Savoie, président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, confirme le constat d’Hester Benbassa. Tout en étant identifié comme étant « le sénateur des gens du voyage », il a été réélu à son poste. « Il n’y a pas de concurrence entre les sénateurs au sujet de la nécessité de supprimer les titres de circulation. Tous ceux qui se penchent sur le sujet travaillent dans le même sens, même si nous n’abordons pas tous les points de la même manière », remarque-t-il en rappelant qu’il prépare lui-même une proposition de loi sur le sujet dans l’espoir d’un débat à l’automne. La multiplication des initiatives parlementaires devrait faciliter la mise à l’ordre du jour et hâter la discussion sur une loi attendue depuis un siècle par les intéressés. Les organisations tsiganes, les associations de défense des droits de l’homme et de nombreux juristes s’apprêtent à célébrer les 100 ans de la loi du 16 juillet 1912 qui a instauré un statut spécial pour les nomades et a été révisée en 1969.

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