Après le décès d’un prisonnier dans sa cellule, le 11 janvier, l’élue écologiste s’est rendue ce lundi matin au centre pénitentiaire pour tenter de faire la lumière sur le cas de cet homme de 28 ans, dont la santé mentale s’était dégradée.
Par Sylvain Deleuze Le 24 janvier 2022 à 19h51
« Le jugement n’aura pas lieu car le prévenu a été retrouvé mort dans sa cellule. » Une phrase lancée en pleine audience par une juge de la 12e chambre correctionnelle du tribunal de Créteil et le monde s’écroule pour une famille. « La juge ne savait pas que ma mère était présente, témoigne le frère du détenu décédé. Elle a perdu connaissance et a été emmenée aux urgences. » La scène s’est déroulée le 11 janvier. Quelques heures plus tôt, Téo, ainsi qu’il est surnommé, âgé de 28 ans, avait été retrouvé mort dans sa cellule au centre pénitentiaire de Fresnes.
L’autopsie n’a pas permis de déterminer les causes du décès
Ce lundi en milieu de journée, Esther Benbassa, la sénatrice écologiste, exclue du groupe EELV, s’est rendue à la prison pour tenter de comprendre ce qu’il s’est passé. En juin dernier, la parlementaire, très engagée, avait participé au Sénat à un colloque intitulé « psychiatrie en prison ».
Le jour des faits, les surveillants découvrent le corps sans vie de ce jeune père de famille, incarcéré dans sa cellule au 1er étage de la première division, une section particulièrement surveillée de la maison d’arrêt des hommes. Très vite, le parquet de Créteil ouvre une enquête.
« Une autopsie a été réalisée mais n’a pas permis de déterminer les causes de la mort. Des expertises anatomopathologiques (examen des cellules et des tissus) et des analyses toxicologiques supplémentaires sont en cours », précise une source proche du dossier. Le suicide étant exclu, une instruction a été ouverte.
Incarcéré pour « refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques intégrés dans un fichier de police par personne soupçonnée du crime », « non-respect de l’obligation de présentation périodique au service de police » et « déplacement interdit à l’extérieur du périmètre déterminé par le ministre de l’Intérieur pour prévenir la commission d’actes de terrorisme commis du 29 novembre 2021 au 30 novembre 2021, à Maisons-Alfort », le détenu avait bénéficié dès son incarcération d’un protocole spécifique. L’ouverture de sa cellule devait notamment s’effectuer en présence de deux surveillants et d’un gradé.
«Le suicide est écarté»
« C’est quelqu’un qui était surveillé. Avait-il eu des altercations avec des surveillants ? » demande la sénatrice à Jimmy Delliste, le chef d’établissement. « Le suicide est écarté. Il faut laisser la police faire son enquête », rappelle d’emblée le patron des lieux, avant d’évoquer « des soucis de santé. »
Seul dans sa cellule, l’homme disposait d’une toilette, d’un lit, d’une table et d’un téléphone pour joindre ses proches comme les autres détenus. Seulement, sa santé mentale s’est dégradée. « Il pouvait être assez violent avec les hommes mais il avait une relation apaisée avec les femmes (les surveillantes) », ajoute le directeur.
Un état «incompatible avec le maintien en détention» selon un médecin
« Il souffrait de problèmes psychiatriques depuis huit ans. Quand une crise débutait, il devait être hospitalisé près d’un mois pour qu’il aille mieux », détaille D., son grand frère. Téo avait déjà été condamné à six ans d’emprisonnement. Un premier courrier d’un médecin, datant du 14 décembre, évoque « des troubles » rendant « impossible le consentement du patient et constituant un danger pour lui-même ou pour autrui », et précise que son état « est incompatible avec le maintien en détention ».
Après un séjour à l’unité psychiatrique de l’hôpital de jour de Fresnes, Téo avait été transféré à l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) du groupe hospitalier Paul-Giraud de Villejuif du 17 au 20 décembre. Finalement, il était retourné en prison, mais à l’isolement en raison d’une infection au Covid 19. À son retour en cellule, « il était nu, tenait des propos incohérents, comme le relatent des détenus que j’ai rencontrés, raconte la sénatrice. Il a dû décompenser. Il faut plus de lits dans les unités psychiatriques des centres pénitentiaires. »
« On ne cherche pas à désigner quelqu’un mais il n’y a rien de cohérent. On laisse la justice faire son travail », précise le frère du défunt. Outre les analyses en cours, les enquêteurs devraient pouvoir s’appuyer sur les caméras de vidéosurveillance qui surveillent la coursive.