Monsieur le Président, écoutez les intermittents (Médiapart, 9 juillet 2014)

Monsieur le Président, écoutez les intermittents

Vingt-six « femmes et hommes de gauche », élus locaux, parlementaires ou responsables socialistes, écologistes et communistes, s’adressent au président de la République : la concertation entre les acteurs du dossier des intermittents devra « nécessairement aboutir, et dans des délais rapides, sur la concrétisation des propositions » du comité de suivi reprises par le premier ministre.


 

 

Monsieur le Président,

Nous, femmes et hommes de gauche, représentants politiques sensibles au monde des arts et de la culture, avons choisi la voie de cette tribune pour nous adresser à vous.

Les accords du 22 mars 2014 relatifs à l’assurance chômage, conclus entre le Medef et des syndicats faiblement représentatifs du secteur culturel, ont conduit notre pays vers une situation plus que tendue, en réveillant un malaise et une colère légitimes parmi les intermittents du spectacle et les acteurs du monde culturel. Alors que toute la gauche s’était prononcée contre l’accord de 2003 sur l’intermittence ; alors que le comité de suivi de la réforme de l’intermittence, composée de la coordination, de la CGT spectacles, de professionnels du secteur et de parlementaires, porte depuis longtemps des propositions alternatives ; voir le gouvernement appuyer un accord aggravant le protocole de 2003, et ne s’engageant sur aucune des propositions du comité de suivi, a généré dans le monde de la culture un sentiment de profonde incompréhension et de violente déception.

C’est pourquoi, depuis plusieurs semaines, se sont succédé manifestations, actions, occupations, annulations, grèves de structures culturelles et de compagnies dans divers lieux de France.

Le 19 juin, le premier ministre confirmait que l’accord serait agréé à la date prévue, et le 26 juin, il paraissait en effet au Journal Officiel. Dans le même temps, il annonçait que l’Etat s’engagerait financièrement pour annuler les effets du différé, reconnaissant par là-même la précarisation accrue qu’entraînera la mesure. Il initiait enfin une mission pour une remise à plat du régime de l’intermittence.

Ces  premières annonces ont suscité un certain scepticisme, mais le plus souvent de la colère, face aux interrogations suivantes : pourquoi agréer un accord que tout le monde considère comme mauvais pour la culture ? Pourquoi, au lieu de l’annuler, l’Etat s’engageait-il lui-même pour financer la mesure de précarisation voulue par le Medef, faisant planer un doute sur la volonté de l’Etat de maintenir les annexes 8 et 10 dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle ? Qu’attendre enfin de la constitution d’une nouvelle mission, alors que les rapports sur l’intermittence sont désormais légion, et les propositions de réforme connues depuis longtemps ?

Le mardi 25 juin, dans la lettre de mission adressée à Jean-Patrick Gille, Hortense Archambault et Denis Combrexelle, le premier ministre a précisé sa pensée.

Tout d’abord, en disant clairement qu’il n’y aurait pas de caisse autonome des intermittents du spectacle, et en confirmant que l’intermittence continuerait à être gérée sur le principe de la solidarité interprofessionnelle. Il importera de veiller au respect de cet engagement au terme de la mission engagée.

Ensuite, en énonçant clairement cette fois-ci certaines des préconisations essentielles du comité de suivi : retour à la date anniversaire, prise en compte de la maternité… Ces propositions, qui ont pourtant plus de 10 ans d’âge, reviennent enfin autour de la table dans un document écrit par le premier ministre.

Ces précisions étaient bienvenues. Et sont le fruit de la lutte poursuivie par les intermittents. Mais les choses ne sauraient s’arrêter là. Parce qu’une forte incompréhension demeure quant au choix du gouvernement d’agréer un accord synonyme pour beaucoup d’une précarisation accrue. Parce que les concertations devront nécessairement aboutir, et dans des délais rapides, sur la concrétisation des propositions évoquées plus haut, et plus globalement sur une réforme progressiste des dispositifs d’assurance chômage des intermittents. Cela signifie, M. le Président, qu’il faut donc revenir sur les effets délétères de l’accord du 22 mars 2014, et, pour respecter les engagements qui étaient ceux de la gauche dans l’opposition, sur ceux du protocole de 2003.

Vous pouvez compter sur la vigilance des élu(e)s et parlementaires que nous sommes pour que la discussion qui s’engage ne se referme pas sur un nouvel échec, et respecte la volonté des intermittents.

De la même manière, nous veillerons à ce que l’engagement du premier ministre de préservation des crédits du spectacle vivant ne se fasse pas au détriment des autres secteurs du budget de la culture.

 

Laurence Abeille, députée EELV
Eric Alauzet, député EELV
Brigitte Allain, députée EELV
Danielle Auroi, députée EELV
Julien Bayou, porte-parole EELV
Esther Benbassa, sénatrice EELV
Marie-Christine Blandin, sénatrice EELV
Michèle Bonneton, député EELV
Corinne Bouchoux, sénatrice EELV
Cécile Duflot, députée EELV
Noël Mamère, député
Véronique Massonneau, députée EELV
Barbara Pompili, députée EELV
Jean-Louis Roumegas, député EELV
Eva Sas, députée EELV
Corinne Rufet, déléguée national culture EELV

Pouria Amirshahi, député PS
Guillaume Balas, député européen PS
Fanélie Carrey-Conte, députée PS
Pascal Cherki, député PS
Frédéric Hocquard, conseiller de Paris, secrétaire national du PS à la culture
Jérôme Impellizzieri, conseiller régional PS
Michel Pouzol, député PS
Barbara Romagnan, députée PS

André Chassaigne, député PCF
Pierre Laurent, sénateur PCF

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