Meurtre de Magnanville : que faisait Larossi Abballa en liberté ? (Le Figaro, 14 juin 2016)

« FIGAROVOX/TRIBUNE – Le terroriste Larossi Abballa avait été condamné en 2013 à trois ans de prison dont six mois avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris. Pour Guillaume Jeanson, il est urgent de revoir l’échelle des peines et de construire des places de prison.

Guillaume Jeanson est avocat au Barreau de Paris et porte-parole de l’Institut pour la Justice.

Une nouvelle fois, avec la lâcheté qu’on lui connaît, Daech a frappé notre sol. Cette nuit, un commandant de police et sa femme ont été sauvagement assassinés devant leur enfant de trois ans. Quelques dizaines d’heures seulement après la tuerie d’Orlando, nos regards alors rivé sur l’Euro 2016 et ses dangereuses fan-zones, Daech a choisi de répandre sa terreur en suivant une méthode différente: à la tuerie de masse, elle a préféré l’attaque ciblée. L’utilisation sordide de l’application Facebook Live pour «partager» largement l’horreur de ces méfaits, signe là encore une gradation dans l’abject.

Il y a quelques semaines, la presse révélait, qu’en France, 9.300 personnes étaient soupçonnées d’avoir basculé dans l’islamisme radical avec parmi eux 30% de femmes et 20% de mineurs. Le chiffre de 13.000 était ensuite avancé. Il y a quelques jours, Bernard Cazeneuve indiquait que 5000 personnes avaient été signalées par leur entourage sur la plate-forme de prévention de la radicalisation du ministère de l’intérieur depuis son ouverture. On sait que près de 630 français sont actuellement dans les rangs de Daech et le gouvernement estime que 1.500 de nos 66.000 détenus seraient déjà «radicalisés».

Quand allons-nous exactement nous réveiller?

Certes la déradicalisation bat son plein depuis quelques mois. Mais les sénatrices Esther Benbassa et Catherine Troendlé chargées d’une mission parlementaire d’information sur les méthodes de «désendoctrinement, désembrigadement et de réinsertion» des anciens djihadistes ou candidats au djihad, semblent pourtant avoir émis de sérieuses réserves sur ce sujet. La tentation est grande de surfer sur ce nouveau marché dont le montant des subventions a augmenté de plus de 1000% entre 2014 et 2016. La dérive «business» de certaines structures, qui proposent aux djihadistes des méthodes parfois iconoclastes, n’est pas non plus pour rassurer le plus grand nombre: cuisine mexicaine, cours de plongée, séance au cours desquelles l’impétrant est invité à caresser un hamster en le regardant dans les yeux…

Le psychiatre Roland Coutanceau, président de la Ligue française pour la santé mentale, qui expertise de nombreux djihadistes en prison, dressait lui aussi au mois de mars dernier un constat alarmant dans le Figaro: celui de «jeunes shootés aux vidéos de Daech» fascinés par la mort, mus par la certitude d’avoir à accomplir «une mission». Mais surtout celui de jeunes pour lesquels «la possibilité qu’ils soient capables de faire machine arrière est faible».

Si la déradicalisation doit être tentée, on serait par conséquent bien imprudent de s’en remettre quasi-exclusivement à elle. Il faut prendre la mesure du phénomène qui frappe actuellement le monde occidental. Il faut repenser notre dispositif afin d’être capable d’y répondre efficacement. Il faut instaurer un suivi rigoureux, et non plus seulement sporadique, de tous les profils à risque. Outre les ressources nécessaires et urgentes destinées à renforcer nos capacités de renseignement et de légitime défense, deux évidences plus générales paraissent devoir s’imposer. […] »

 

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