Mariage homosexuel: les sénateurs s’emparent du texte, les opposants sont dans la rue (AFP, 4 avril 2013)

Par Suzette Bloch.

 » Le Sénat a entamé jeudi l’examen du projet de loi sur le mariage homosexuel par un débat droite-gauche sans concession mais serein, alors que quelques milliers d’opposants sont venus prier ou se sont fait entendre à coup de sifflets sous les fenêtres du Palais du Luxembourg.

« Le mariage est un acte de liberté, liberté de se choisir, de vivre ensemble, de divorcer, de ne pas se marier. Nous en faisons un acte d’égalité », a lancé la ministre de la Justice, Christiane Taubira. « C’est un accueil dans la maison commune! » a-t-elle lancé durant son discours, lu comme d’habitude sans notes, et citant à l’appui Verlaine, Hegel ou Aimé Césaire.

« Voilà la possibilité de faire aboutir des combats menés depuis des décennies », a renchéri la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti.

Jean-Pierre Michel, le rapporteur PS au Sénat du texte, a rejeté d’emblée la proposition de l’UMP de créer une « union civile » pour les couples de personnes de même sexe plutôt que le mariage. « Elle contredit l’esprit qui anime la réforme, en perpétuant l’inégalité ou la différence de traitement infligée à des situations pourtant identiques », a-t-il dit.

Patrice Gélard (UMP) a pointé les risques d’inconstitutionnalité du projet de loi notamment parce que « le législateur ne peut pas toucher au mariage ». « Le mariage fait valoir des principes fondamentaux de notre Constitution et ne peut être remis en cause que par une révision de la Constitution », a-t-il assuré.

Le président du groupe centriste UDI-UC, François Zocchetto, a réclamé à l’ouverture des débat, dans un rappel au règlement, que ce texte ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe soit voté par un vote solennel à la tribune. Il a fustigé un projet qui « n’est pas conforme avec notre vision de ce qu’est l’humanisme, la société, la famille ».

« Gays et lesbiennes sont des êtres et des citoyens comme les autres », a rétorqué l’écologiste Esther Benbassa qui a regretté toutefois que le gouvernement ait renoncé à la Procréation médicalement assisté (PMA) et à la gestation pour autrui (GPA).

A l’extérieur du Sénat, la pression des opposants n’a pas faibli. A l’aube, une soixantaine d’opposants sont allés, à l’appel du mouvement Le printemps français, « réveiller » près de son domicile la sénatrice UDI Chantal Jouanno, favorable au projet de loi, pour l’inciter à changer son vote.

Deux autres manifestations rassemblant quelques milliers d’opposants se sont déroulées sans incidents devant le Sénat. Bravant la pluie, les militants rassemblés à l’appel du collectif de « La manif pour tous » –à l’initiative de deux importants défilés nationaux les 13 janvier et 24 mars– ont exigé dans un concert de sifflets le retrait du texte. « L’exécutif doit comprendre que nous irons jusqu’au bout », a martelé Tugdual Derville, du collectif.

Sa porte-parole Frigide Barjot et le rapporteur Jean-Pierre Michel (PS) s’étaient affrontés le matin devant le juge parisien des référés lors d’un procès en diffamation. Mme Barjot a assisté à une partie du débat dans la tribune du public.

Face à l’entrée du Sénat, une centaine de catholique intégristes se sont agenouillés à l’appel de l’Institut Civitas pour prier devant un tableau de la Sainte famille. Civitas a donné rendez-vous vendredi pour une autre veillée de prière et samedi pour une manifestation nationale.

Un autre collectif, pro-mariage pour tous celui-ci s’est aussi rassemblé un peu plus loin « pour s’opposer à la haine ».

A Lyon et à Toulouse, quelques centaines d’opposants au projet de loi se sont réunis.

Le vote final au Sénat s’annonce serré. Les discussions devaient durer jusqu’au 12 ou 13 avril. Près de 280 amendements et trois motions de procédure UMP visant à repousser le texte ont été déposés.

L’adoption du texte ne sera pas aussi aisée qu’à l’Assemblée nationale où il a été voté en première lecture le 12 février. La gauche n’a que six voix de majorité sur la droite et quelques défections sont attendues dans ses rangs, en particulier au RDSE et parmi les élus d’outre-mer.

Les élus d’outre-mer sont très divisés comme l’ont été leurs collègues députés.

A droite, des « défections » sont aussi prévues compensant celles de gauche. A l’UMP, Jacqueline Farreyrol, Alain Millon, Fabienne Keller et Christian Cointat ont annoncé un vote pour.

D’autres prônent l’abstention, comme Roger Karoutchi ou Alain Fouché. Christophe-André Frassa, qui avait voté en commission des Lois pour le projet de loi, a changé de position au dernier moment annonçant jeudi qu’il voterait contre en séance. Il a évoqué des lettres de menaces. De nombreux sénateurs ont fait état de courriels ou lettres de menaces, certaines particulièrement odieuses, notamment aux élus de droite favorables au texte.

Chez les centristes de l’UDI-UC, outre Chantal Jouanno qui votera pour, certains ont évoqué l’abstention. »

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