Par Anne Laffeter,
A quelques heures de la manifestation pro-Gaza autorisée du 20 juillet, la sénatrice EELV Esther Benbassa revient sur les conséquences de l’interdiction de celle du 23 juillet et la ligne de François Hollande.
Qu’avez-vous pensé de la décision du préfet de Paris d’interdire les manifestations pro-Gaza de samedi 20 juillet ?
C’était une mauvaise décision. Elle est arrivée après la déclaration de soutien unilatéral à Israël du président François Hollande -une position qu’il a infléchi depuis. Les partisans de la cause palestinienne ont pris cette interdiction comme une prise de position pro-israélienne. Cela a excité davantage les gens. S’il n’y avait pas eu d’interdiction, il n’y aurait pas eu autant de dégâts. D’ailleurs dans les villes où il n’y pas eu d’interdiction, il n’y a pas eu beaucoup de dégâts. Nous sommes un des rares pays actuellement où les manifestations tournent à des déclarations antisémites.
Pourquoi, selon vous ?
Nos manifestations rejouent le scénario des émeutes de banlieues. Toute la rancœur, la rancune, les discriminations ressortent autour de la défense de la Palestine. J’étais à la manif de mercredi 16 juillet aux Invalides, qui était autorisée et encadrée, il n’y a rien eu, pas de slogans antisémites.
Contrairement à Sarcelles le 20 juillet ou autour de la synagogue de la rue de la Roquette le 13 juillet…
A la Roquette, il semble qu’il y a eu des provocations de la part de la Ligue de défense juive (LDJ), dont je suis pour la dissolution. Mais cela n’a rien à voir avec les événements de Sarcelles, plus violents. Il faut calmer les deux camps. Aujourd’hui, les leaders communautaires juifs devraient se mettre en marche pour calmer leurs troupes. De l’autre côté, on devrait faire pareil -même si parmi les casseurs on ne trouve pas que des jeunes issus de l’immigration. Dans les jours qui viennent, je crains que le conflit politique entre Gaza et Israël devienne en France un conflit religieux et identitaire. On va avoir du mal à le contenir, il risque de nous déborder. On est dans un scénario différent des années précédentes. Les partis et les organisations encadraient, il y avaient un service d’ordre. Aujourd’hui, on est dans les revendications identitaires et dans la simulation des émeutes de banlieues.
Comment expliquez-vous que François Hollande rompe avec la ligne équilibrée qui prévaut en France depuis des années ?
C’est encore une sorte de bourde. C’est incompréhensible. En rompant avec cette ligne équilibrée, il a mis le feu. Il l’a peut-être fait pour envoyer un message de fermeté contre l’antisémitisme mais ce message, diplomatiquement et politiquement, a eu des effets très négatifs.
Allez-vous participer à la manifestation autorisée du mercredi 23 juillet?
Ni le gouvernement israélien ni le Hamas ne veulent de la paix, des centaines de civils innocents sont tués. Il faut déjà un cessez-le-feu et pour cela, il faut manifester. EELV fait partie du collectif qui organise la manifestation. Je serai dans le carré des officiels ; mais si je vois des slogans “mort au juifs” ou “mort aux Palestiens”, je m’en vais.
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