Macron parle, Mélenchon dénonce, les nouveaux ministres s’installent
Au menu du Réveil politique : l’allocution du chef de l’Etat, le coup d’éclat du leader des Insoumis et le premier Conseil des ministres pour les petits nouveaux.
C’était son idée. Tous ses proches étaient contre. Et il aurait peut-être dû les écouter. Emmanuel Macron a donc choisi de s’adresser aux Français, mardi 16 octobre, ce qu’il n’avait pas fait depuis le mois d’avril, pour justifier le remaniement qu’il a mis deux semaines à peaufiner et annoncer qu’il ne changerait pas de politique. Parler après une « péripétie », drôle de moment pour une reconquête.
Dans une lumière crépusculaire, le chef de l’Etat a commencé par un hommage aux sinistrés de l’Aude, lançant : « nous sommes à leurs côtés », lui qui n’est pourtant pas allé sur place. Sans prompteur, lisant des notes raturées posées sur la table, Macron, fragilisé par l’absence de résultats et une très mauvaise rentrée politique, veut montrer qu’il comprend :
« Ces derniers mois ont pu rendre moins perceptible le sens [de mon action], d’abord parce que parfois par ma détermination ou mon parler vrai j’ai pu déranger ou choquer certains. Et j’entends les critiques. »
Un petit mea culpa sur la forme donc. Macron est là pour justifier le remaniement : « Je demande au nouveau gouvernement ainsi formé de poursuivre les transformations dont notre pays a besoin et de le faire avec un objectif simple : que nous reprenions pleinement la maîtrise de notre destin. »
Le chef de l’Etat parle, sans contradicteurs, et déroule son argumentaire politique, qu’on peut résumer par cette phrase : « Il n’y a aujourd’hui ni tournant, ni changement de cap, de politique. » Puis Macron prononce un long – et étrange dans sa bouche – éloge de l’insoumission avec une anaphore « ne pas se soumettre ». Et dramatise, prévenant : « Ceux qui ne voient pas ce qui est en train de se passer partout autour de nous décident d’être les somnambules du monde qui va et je ne m’y résous pas. » Enfin, il donne la ligne de sa campagne européenne :
« Je crois dans ce projet que je veux porter en Europe. Et c’est pour cela que je souhaite aussi le rassemblement le plus large. […] Je crois dans ce projet que j’irai porter auprès de chacun d’entre vous. »
Un président qui se veut chef de la majorité, voire chef de parti. Le 11 février 2016, après avoir remanié son gouvernement sans changer de politique, François Hollande était intervenu à 20 heures en direct de l’Elysée, répondant aux questions de journalistes. Quelques-uns de ses ministres (dont Emmanuel Macron vent debout contre ce remaniement), et même le premier d’entre eux, avaient critiqué, en privé, cette intervention : « Ce n’est pas au président de justifier un remaniement. Il n’aurait pas dû parler. » Pas mieux.
La rentrée des classes : premier Conseil des ministres de la nouvelle équipe
Ce sera la photo du jour. Certains comme Didier Guillaume ou Franck Riester en rêvent depuis tant d’années, d’autres vont découvrir la politique, mais les nouveaux ministres vont siéger ce matin pour la première fois autour de la table du conseil à l’Elysée. Et les photographes immortaliseront les huit novices autour du Premier ministre et du président. Une première pour Marc Fesneau, Didier Guillaume et Franck Riester, nouveaux ministres, et Gabriel Attal, Christelle Dubos, Laurent Nuñez, Agnès Pannier-Runacher et Emmanuelle Wargon, nouveaux secrétaires d’Etat. A vie, on pourra les appeler « Monsieur ou Madame le ministre ». Et rien que pour ça, certains se pâment pour entrer au gouvernement. Narcisse quand tu nous tiens.
Elle, en revanche, vous ne la verrez pas monter les marches du perron de l’Elysée, ce mercredi matin. Claire Chazal, l’ancienne star du 20 heures de TF1, a refusé d’entrer au gouvernement, raconte « le Parisien ». François Bayrou, non plus, ne sera pas sur la photo de famille. Et pourtant, à en croire la presse, il a beaucoup pesé sur le casting du jour, mettant notamment son veto à l’entrée de Frédéric Péchenard au ministère de l’Intérieur. Comme quoi, en macronie, on peut jouer un rôle politique important, sans être ministre. Message transmis à celle et ceux qui viennent d’être virés du gouvernement.
Les perquisitions : Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis politisent l’affaire
Ce fut l’autre événement politique de la journée. Mardi matin, dans le cadre de deux enquêtes préliminaires distinctes ouvertes au parquet de Paris, sur l’emploi présumé fictif d’assistants au Parlement européen et sur les comptes de la campagne présidentielle 2017 de Jean-Luc Mélenchon, des perquisitions ont été organisées au domicile de l’Insoumis et de plusieurs de ses proches actuels ou passés, ainsi qu’au siège du Parti de gauche et à celui de La France insoumise (LFI). Le député de Marseille a choisi de dénoncer la perquisition aux aurores chez lui en la filmant et en la diffusant :
« Dans une démocratie, la personne d’un parlementaire est intouchable. Je ne me soustrais pas à la loi : les gens fouillent chez moi et je ne dis rien. Il ne me reste qu’une chose : ma dignité de parlementaire et d’homme politique […]. Voici les débuts du nouveau ministre de l’Intérieur et de la ministre de la Justice. Voilà ce qu’ils sont en train de faire pour intimider et faire peur. »
Visiblement choqué, Mélenchon appelle ses partisans à venir devant les locaux de La France insoumise : « Vous devez entrer et défendre votre siège. » Ce sera fait en fin de matinée. Mélenchon et les députés Insoumis arrivent devant l’entrée du siège de leur mouvement. La porte est gardée par des policiers, pendant qu’à l’intérieur d’autres saisissent des ordinateurs et des téléphones. Les Insoumis poussent et forcent l’entrée. La scène est filmée, notamment par le journaliste de « Libération » Rachid Laïreche qui raconte en détails cette scène « tendue, incroyable ». La perquisition est arrêtée avant la fin. A l’Assemblée nationale, l’après-midi, Mélenchon dénonce à nouveau une « police politique », et poursuit : « Nous sommes tous des justiciables, mais on n’est pas obligés de procéder à un folklore pareil. »
L’événement politique est tel que « Libération » a choisi d’en faire sa une sous le titre « Jean-Luc Mélenchon, l’éclat de trop ? ». Vilipendé par les marcheurs, Mélenchon a reçu le soutien des communistes, du NPA, de Benoît Hamon, de la sénatrice écologiste Esther Benbassa, de son nouvel allié l’ex-socialiste Emmanuel Maurel et de Marine Le Pen.
Le départ : Marie-Noëlle Lienemann change de groupe au Sénat
Après son départ du Parti socialiste, Marie-Noëlle Lienemann a quitté, mardi, le groupe socialiste au Sénat. « J’ai demandé mon rattachement au groupe Communiste, républicain, écologiste et citoyen (CRCE) et ils l’ont accepté et donc je vais siéger dans ce groupe », a affirmé l’élue à la chaîne Public Sénat. Elle a également démissionné de la vice-présidence de la Haute Assemblée.
La relance : première victoire pour la famille de Rémi Fraisse
La Conseil constitutionnel pourrait relancer l’affaire Rémi Fraisse. C’est Mediapart qui le révèle. La famille du jeune écologiste, tué par une grenade offensive d’un gendarme mobile à Sivens (Tarn) le 26 octobre 2014, vient d’obtenir la transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité qui peut remettre en cause l’existence des juridictions spécialisées en matière militaire. Une première victoire juridique pour Arié Alimi et Patrice Spinosi, avocats de Jean-Pierre Fraisse, le père du jeune pacifiste.
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